Une nouvelle bande pour le WiFi à 6 GHz ?

02 juin 2020

Dans les foyers français, l’arrivée de la fibre optique et l’accroissement de la consommation de données font craindre une saturation des réseaux WiFi domestiques. En entreprise, qu’il s’agisse de bureaux ou d’usines, la consommation  en ressources spectrales est encore plus importante : c’est aussi le WiFi, en effet, qui connecte aujourd’hui une large proportion des ordinateurs ou des machines. Enfin, les besoins de connexion entre nos objets personnels, qui reposent sur le Bluetooth  ou le WiFi, sont appelés à exploser avec la multiplication des objets communicants.

La bande historique du WiFi (2,45 GHz) est limitée à 83 MHz utiles. Quant à la bande 5 GHz, elle inclut certes deux bandes de 200 MHz et 255 MHz, mais sujettes à diverses contraintes de partage, dont le DFS (Dynamic Frequency Selection), indispensable à la protection des radars de la météorologie et de la Défense. Face à l’accroissement des besoins en débit et en capacité, les industriels du WiFi cherchent  donc depuis une dizaine d’années à élargir les bandes ouvertes au WiFi. Une première piste serait d’accéder aux portions de la bande 5 GHz réservées pour d’autres applications. Malheureusement, aucune solution de partage ne s’est avérée satisfaisante. Le seul apport concret de ces études a été, lors de la Conférence mondiale des radiocommunications 2019, de relâcher les contraintes techniques entre 5,15 et 5,25 GHz afin que cette bande puisse accueillir des équipements WiFi en mobilité (voitures, trains, drones, etc.).

Un projet porté par la CEPT

D’autres études, couvertes par un mandat de la Commission européenne à la CEPT, ont été initiées depuis deux ans en Europe pour ouvrir la bande 5 925 – 6 425 MHz au WiFi. Cela permettrait presque de doubler le spectre actuellement disponible en WiFi : 500 MHz contigus, 6 canaux de 80 MHz et 3 canaux de 160 MHz permettraient de mieux tirer parti de la nouvelle technologie WiFi 6E. Aujourd’hui, cette bande accueille partout en Europe des liaisons montantes vers des satellites de communication ou des liaisons hertziennes point à point. L’objectif des études est de déterminer les conditions techniques assurant leur protection. Elles sont sur le point d’aboutir au sein de la CEPT avec, en juillet, une consultation publique sur la réponse finale au mandat de la Commission.

Protéger les satellites et les faisceaux hertziens

La protection des satellites s’appuiera sur une combinaison de paramètres techniques que devront respecter les émetteurs WiFi, dont la puissance, les restrictions d’usage en extérieur et, éventuellement, des limitations en nombre. Par exemple, des usages entre objets communicants de très faible puissance (VLP pour very low power, soit environ 25 mW), seront possibles même en extérieur, tandis que les usages un peu plus puissants (LPI pour low power indoor, environ 200 mW) devront être confinés à l’intérieur des bâtiments. D’autres types utilisations (à plus forte puissance en intérieur, ou en extérieur) ne pourront être autorisées qu’en en limitant le nombre, pour éviter qu’un trop fort cumul ne brouille les satellites.

La protection des liaisons hertziennes a été l’objet d’études approfondies compte tenu de la sensibilité de ces liaisons aux brouillages. Les conclusions, au niveau européen, restent d’ailleurs contrastées. Sur le plan technique, il a été démontré que les liaisons hertziennes bien dégagées du bâti environnant ne seront pas affectées par les usages WiFi. En revanche, des liaisons en environnement urbain avec des antennes proches du bâti environnant pourraient être brouillées par le WiFi LPI, s’il est émis faible distance, en étage élevé et en visibilité de la station.

Vers une solution de partage fondée sur des bases de données ?

L’ANFR cherche donc, avec ses partenaires européens, à mieux garantir la protection de ces liaisons. Une solution prometteuse repose sur l’usage d’une base de données informant chaque équipement WiFi, en fonction de sa localisation, des fréquences utilisables dans la zone. Un démonstrateur utilisant la <link l-anfr politique-dinnovation blockchain-des-frequences>blockchain de l’ANFR est en cours de développement.

Outre la garantie de protection des liaisons hertziennes, cette solution de partage permettrait aussi d’envisager l’utilisation d’un WiFi de plus forte puissance ou en extérieur, car la base de données pourrait garantir que leur densité resterait limité, ce qui correspond d’ailleurs aux applications envisagées pour cette catégorie d’équipements.

L’Agence est aussi active, en soutien aux industriels français, pour garantir que le WiFi 6 GHz ne perturbera pas les systèmes de communications pour les métros automatiques, qui utilisent la bande harmonisée ITS située juste au-dessous de 5 935 MHz. En effet, des équipements WiFi VLP pourront demain accompagner des voyageurs à l’intérieur des trains ou sur les quais, tandis que des émetteurs WiFi LPI pourront faire leur apparition dans des bâtiments situés le long des voies. Dans ce contexte, des limites strictes doivent être définies pour éviter les rayonnements non désirés sous 5 935 MHz.

Dans les prochains mois, études techniques et négociations se poursuivront avec nos partenaires européens sur ces points encore en suspens. La Commission européenne devrait proposer rapidement une décision d’harmonisation communautaire et, le cas échéant, l’ANFR mettra en place, en coopération avec l’Arcep, le dispositif de base de données. Avec 500 MHz de spectre supplémentaire disponible, le WiFi trouvera ainsi un nouveau souffle pour répondre aux besoins croissants de débit !