Les enquêtes de l’ANFR – Avions et hélicoptères du SAMU perturbés : un brouilleur, ou la vie ?

Enquêtes de l’ANFR 22 décembre 2023
Le 22 mars 2023, la Direction générale de l’aviation civile (DGAC) saisit l’ANFR pour un brouillage de la fréquence 1 575 MHz du GPS : les hélicoptères du SAMU et les avions sont perturbés une trentaine de kilomètres de Lille, à proximité de l’aérodrome de Merville (59).

Ecran noir en intervention : SAMU en danger !

Mars 2023 : l’hiver n’est pas encore terminé, il bruine et la brume entrave souvent la visibilité au-dessus de la plaine du Nord de la France. Toujours disponibles, les hélicoptères des SAMU 59 et 62 interviennent par tous les temps lorsque des urgences l’imposent, et, dans ces conditions météo, leurs instruments constituent le fil de vie de ceux qui sauvent des vies. Mais voici, soudain, quelques sueurs froides :  les 15 et 16 mars, les hélicoptères des SAMU signalent des pertes de position : le GNSS n’est plus capté en certains endroits par leurs appareils ! Le GNSS, global navigation satellite systems, n’est autre que la dénomination technique du système de positionnement par satellites, qui utilise les constellations GPS, Galileo, Glonass ou Beidou selon les matériels et selon les pays. L’alerte est lancée auprès des autorités de l’Aviation civile : un avion de mesure décolle aussitôt : il confirme les pertes GNSS et précise qu’elles peuvent aussi entraver les décollages à partir de l’aérodrome de Merville, à l’ouest de Lille. L’enquête ne peut rien conclure à partir des airs : le 22 mars, la DGAC saisit l’ANFR.

Deux agents assermentés et habilités de l’ANFR de l’antenne de Boulogne-sur-Mer se rendent immédiatement sur place. Les informations recueillies par l’avion de mesure sont mises à leur disposition : la perte de signal GNSS dans l’axe de la piste de Merville est bien caractérisée. Ils obtiennent également des informations complémentaires du réseau GNSS permanent (RGP) de l’IGN : une autre anomalie y apparaît, car une station située à proximité d’un important axe routier en périphérie de Lille connaît également des troubles de réception GNSS. En particulier, le 16 mars, à deux reprises et à une heure d’intervalle, une dégradation significative de la qualité du signal GNSS y a été constatée.

La première piste était celle d’un brouilleur GPS. Mais ces analyses font ressortir qu’il n’y aurait non pas une, mais bien deux sources de brouillages : l’une pourrait être fixe, l’autre mobile…

Chasse dans les plaines des Hauts-de-France

Il reste désormais à localiser ces dangereux appareils ! Pour optimiser leurs chances de localisation rapide des brouilleurs, nos deux agents se séparent. L’un va quadriller les alentours de Merville, à la recherche d’un probable brouilleur fixe ; l’autre part pour une recherche plus aléatoire, puisqu’il s’agit d’identifier une source probablement itinérante.

 

Ce jour-là, le brouilleur fixe ne s’est pas remis en marche. Notre premier enquêteur revient donc bredouille.

 

La situation est plus favorable pour son collègue, qui a rapidement identifié quelques signaux et s’est déplacé pour les suivre. C’est finalement à Calais, à une centaine de kilomètres de Lille, qu’un brouilleur GPS compatible avec les traces enregistrées est localisé … Petit à petit, l’enquêteur se rapproche de l’émetteur du signal, qui s’est arrêté de bouger : il s’agit d’un véhicule professionnel en intervention, sans doute géolocalisé, dont la localisation a été neutralisée par un brouilleur installé par le conducteur. La possession d’un brouilleur GPS est, au même titre que son utilisation et le brouillage causé, un délit soumis à une sanction pouvant aller jusqu’à 6 mois e prison et 30 000 euros d’amende au titre du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Notre agent sollicite donc aussitôt le soutien de la police nationale pour réaliser la saisie officielle du matériel. En quelques heures la première affaire est donc résolue !

Rebondissements…

Le lendemain, le brouillage reprend ! Les agents de l’antenne de Boulogne-sur-Mer se remettent donc à la tâche. Cette fois, les récepteurs et antennes directives mènent nos enquêteurs devant une maison de la commune d’Estaires (59), tout près de l’aéroport de Merville. Cette fois-ci, c’est la gendarmerie qui vient prêter main forte à l’ANFR. Rapidement, la petite équipe met en évidence un brouilleur multi-bandes acheté sur Internet. Et, pourtant, l’émission perturbatrice continue !… C’est alors qu’un second brouilleur est découvert, caché dans le cabanon du jardin ! De quoi brouiller une large zone. Le propriétaire est aussitôt convoqué à la gendarmerie et les deux brouilleurs sont saisis.

 

Grâce à la traque efficace et la réactivité des enquêteurs de l’ANFR, les perturbations affectant les hélicoptères du SAMU et les avions aux alentours de Merville ont été définitivement supprimées.