Harmonisation des trames 5G aux frontières : tout savoir en 4 questions

01 juillet 2020

Pourquoi faut-il synchroniser les réseaux 5G ?

Dans la lettre d’information de janvier apparaissait la difficulté inhérente au mode de transmission en duplex temporel (TDD) : des brouillages peuvent survenir si une station de base émet au moment où une autre station reçoit. Or les stations de base peuvent recevoir des niveaux très faibles. Les brouillages entre stations peuvent ainsi se produire sur des distances de plusieurs dizaines de kilomètres. C’est pourquoi les stations de base de réseaux frontaliers devraient émettre et recevoir pendant les mêmes intervalles de temps, donc être synchronisées. 

Cela se traduit par des contraintes de coordination plus fortes. Cette synchronisation suppose notamment que les opérateurs, de part et d’autre de la frontière, utilisent la même structure de trame, c’est-à-dire la même alternance entre les intervalles de temps où la station de base émet (« D » pour downlink) ou reçoit (« U » pour uplink). Or, de nombreuses structures différentes figurent dans les normes 5G validées par le 3GPP !

Où en sommes-nous aux frontières ? 

En cette période de déploiement de la 5G en Europe, les enchères se multiplient pour attribuer la bande 3.4-3.8 GHz identifiée pour les premiers déploiements 5G.  Certains régulateurs imposent une trame et une horloge de référence pour la 5G, à l’image de l’Arcep en France. Mais d’autres laissent les opérateurs s’accorder sur la synchronisation, n’intervenant qu’en cas de désaccord persistant entre eux. Aujourd’hui, deux structures de trame dominent dans les premières décisions prises par plusieurs pays européens  :

  • DDDSUUDDDD (ou DDDDDDDSUU+3 ms) : cette trame 5G présente l’avantage d’une compatibilité avec la structure de trame LTE utilisée par les réseaux BLR français ;
  • DDDSU : cette trame n’est pas compatible avec le LTE.


Ces deux trames, incompatibles entre elles, vont nécessiter de nouvelles fonctionnalités pour éviter les brouillages aux frontières comme le « DL Blanking » expliqué ci-après.

D’autres trames sont également envisageables mais un consensus s’est établi : d’autres trames créeraient beaucoup d’inefficacité dans l’usage du spectre aux frontières. 

En France, une contrainte apparaît à l’Est, où le choix des trames par les pays frontaliers diffère du choix national.   

 

Figure 1: choix de trames en France et pays frontaliers 

Un tour d’horizon des orientations dans les pays voisins illustre la complexité de la coordination aux frontières : 

  • Au Royaume-Uni, la bande 3,4-3,6 GHz a été attribuée en 2018, des enchères sont à venir pour la partie 3,6-3,8 GHz ; la trame de déploiement recommandée par le cadre national  est la même que celle de la France ;
  • En Belgique, afin de répondre au calendrier imposé par le Code européen pour le déploiement de la 5G, l’administration  a lancé une consultation publique pour accorder des droits temporaires dans la bande 3,6 -3,8 GHz ; ils resteront valables jusqu'à la mise en enchères  dans cette bande ; la structure de trame commune sera également temporaire ;
  • Au Luxembourg, les enchères ont été lancées pour la bande 3,42-3,75 GHz ; le choix de la trame n’a pas encore été précisé ;
  • En Allemagne, 300 MHz (3,4-3,7 GHz) ont été attribués et la trame privilégiée par ces derniers est la DDDSU ;
  • En Suisse, 300 MHz (3,5-3,8 GHz) ont été attribués et la trame est également la DDDSU ;
  • En Italie, 200 MHz (3,6-3,8 GHz) ont été attribués, mais un décalage de 2 ms pourrait être introduit à la trame 5G compatible avec la 4G LTE pour qu’elle puisse coexister avec des systèmes Wimax autorisés jusqu’en 2023 ;
  • A Monaco, les déploiements 5G ont débuté avec même trame qu’en France ;
  • En Andorre, l’administration, qui est aussi l’opérateur, n’a pas encore fixé sa trame 5G ; 
  • Espagne, 200 MHz (3,6-3,8 GHz) ont été attribués, la trame 5G n’a pas été confirmée mais l’utilisation de la trame compatible avec le LTE est probable pour permettre la coexistence avec les systèmes existants. 


Le « DL symbol blanking », ébauche d’une solution ? 

L’utilisation de trames différentes nécessite le développement de nouvelles fonctionnalités pour éviter de perdre une capacité trop importante dans de larges zones de part et d’autre des frontières, comme ce serait le cas s’il fallait se répartir les fréquences entre pays.  

Une solution, le « DL symbol blanking », encore en développement, consiste à neutraliser les créneaux d’émission des stations (« D ») lorsqu’ils sont simultanés avec les créneaux de réception (« U ») du réseau voisin. Il faut pour cela que les opérateurs partagent la même horloge (UTC +/- 1.5µs) et alignent chaque début de trame.

La figure ci-dessous illustre cette solution pour les deux trames retenues pour l’instant. Les trames originelles sont tout en haut et tout en bas de la figure. Dans les trames adaptées, au centre de la figure, les émissions « D » sont supprimées (en rouge) lorsqu’elles coïncident avec la réception « U » dans le pays voisin.

Cette solution simple permettra de faire coexister des trames 5G différentes au prix d’une perte de capacité sur la liaison descendante (de l’ordre de 17,3 % dans le cas de la figure, qui représente une configuration envisagée par les équipementiers). Il importe de limiter les combinaisons possibles entre trames, car la suppression de certains temps d’émission a un impact sur les algorithmes de signalisation de la station de base.

Quels sont les limitations du nombre de trames 5G possibles aux frontières ?

Les équipementiers, pour développer le « DL blanking » et ajuster les algorithmes de signalisation, ont besoin de connaitre toutes les trames pouvant être utilisées par les opérateurs et qu’elles soient en nombre réduit : il faut les harmoniser. 

La CEPT a donc décidé en mars qu’il fallait adopter d’urgence une recommandation sur l’harmonisation de ces trames. Une consultation publique est d’ores et déjà en cours sur cette recommandation . Les deux trames déjà présentées ont été identifiées et cette recommandation permettra donc d’accélérer le développement du «DL symbol blanking ». 

Dans l’attente de cette solution technique facilitant la coordination de la 5G aux frontières, administrations et opérateurs doivent s’accorder sur une période de transition pour limiter les brouillages tout en permettant de premiers déploiements.