Saga CMR : point 9.1.a - la météorologie spatiale

CMR 16 novembre 2023
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Le point 9.1.a de l’ordre du jour de la CMR-23 répond à une demande de la communauté scientifique de disposer d’une réglementation internationale sur l’usage des fréquences par les capteurs de météorologie spatiale.

En effet, ces derniers sont largement déployés à ce jour mais sans statut dans le Règlement des Radiocommunications, ce qui ne leur permet pas de se protéger vis-à-vis de services existants ou futurs.  

 

Une météorologie spatiale ?

La météorologie spatiale s’attèle à observer et à étudier tous les phénomènes physiques qui se produisent au-delà de notre atmosphère et influent sur l’environnement de la Terre et les activités humaines. Communément, on rattache surtout la météorologie spatiale à l’observation du Soleil et notamment à la prévision des éruptions solaires, mais cette science englobe aussi bien d’autres observations comme l’étude des propriétés physico-chimiques de l’ionosphère, de la magnétosphère, etc.

A ce jour, il existe des réseaux d’observation, généralement passifs, largement étendus sur l’ensemble du globe terrestre, qui observent en permanence les espaces interplanétaires et le Soleil.

L’observation du Soleil permet d’établir des prévisions et avertissements, à partir des données collectées par des observatoires comme Nançay, afin que les puissent prendre des mesures pour protéger leurs systèmes de radiocommunications. Comme les phases d’éruption perturbent les systèmes radio, il peut s’agir de repositionner des satellites ou de rerouter des avions afin d’éviter les routes polaires.

Les études sur l’ionosphère peuvent se faire à l’aide de capteurs actifs (type radar) à des fréquences relativement basses (autour de 100 MHz), mais aussi vua la réception de signaux artificiels dits « d’opportunité ». Dans ce cas, le réseau au sol reçoit les signaux émis par des satellites en direction de la Terre pour étudier leur affaiblissement par l’ionosphere (l’opacité ionosphérique). Ces signaux peuvent être ceux du GNSS (GPS, Galileo ou Glonass). Le récepteur n’est alors pas couvert par l’attribution de l’émetteur puisque son intention n’est pas d’utiliser les informations de l’onde émise, mais uniquement d’extraire ses conditions de propagation.

 

Le Règlement des Radiocommunications

Le Règlement des Radiocommunications (RR) permet la protection de services de radiocommunication, préalablement définis dans l’article 1, dans des bandes de fréquences qui leur sont attribuées par l’article 5. Il s’agit donc d’insérer la météorologie spatiale dans l’article 1 pour l’officialiser et de préciser dans l’article 5 les bandes de fréquences où elle peut être réalisée, ainsi que son statut (selon quelles modalités elle peut être exploitée et protégée).

La Résolution 657 de la CMR-19 proposait de trouver un cadre à la protection des capteurs de météorologie spatiale et le premier enjeu de ce point à l’ordre du jour a été de définir un service pertinent.

 

Définir la météorologie spatiale comme service de radiocommunication

Les premiers travaux au sein de l’UIT et de la CEPT, auxquels la France a largement contribué, furent de vérifier si un service existant pouvait couvrir les usages des capteurs de météorologie spatiale.

Un regard attentif sur les définitions des différents services de l’article 1 du RR a permis de constater qu’aucun service actuellement défini ne pouvait rendre compte des capteurs de météorologie spatiale. Certains présentaient toutefois des définitions qui couvraient partiellement une partie des observations : la radioastronomie et le service des auxiliaires de la météorologie (dont l’acronyme est MetAids).

La radioastronomie est définie (numéro 1.13 du RR) comme : « l’astronomie fondée sur la réception des ondes radioélectriques d'origine cosmique ». Cette définition présente toutefois deux incompatibilités avec les capteurs de météorologie spatiale : elle limite les observations à de la réception pure. Il ne peut donc exister d’émetteurs « artificiels » dans ce service – donc pas de radar pour l’étude de l’ionosphère par exemple –, ces émissions étant nécessairement d’origine cosmique.

Le service des MetAids est défini (numéro 1.5 du RR) comme : « le service de radiocommunication destiné aux observations et aux sondages utilisés pour la météorologie y compris l'hydrologie ».  Le RR ne précise pas ce que représente la météorologie, il confine cette science aux caractéristiques de l’atmosphère terrestre. Cette définition reste donc trop limitative pour que des observations faites en dehors de l'atmosphère y soit incluses.

L’article 1 du RR définit parfois des sous-services visant à préciser certains domaines spatiaux d’observations ou d’exploitation. Le cas du Service de Recherche Spatiale (SRS) est un bon exemple : le numéro 1.177 du RR définit un sous-ensemble de ce service correspondant aux émissions/réceptions entre la Terre et l’espace lointain, compte tenu de ses caractéristiques spécifiques (bilan de liaison présentant moins de marge, pointage des antennes plus difficile), l’espace lointain étant considéré comme étant à une distance de plus de 2 millions de kilomètres de la Terre. Les critères de protection du SRS (espace lointain) sont nettement plus contraignants que ceux du SRS afin de garantir, par le biais d’une diminution significative du brouillage possible, une meilleure réception des informations transmises par la station terrienne ou la station spatiale.

Par analogie, la France, avec le soutien de la CEPT, a proposé lors du cycle de préparation de la CMR-23 de créer pour la météorologie spatiale un nouveau sous-service des MetAids avec cette idée que la limitation « spatiale » du service MetAids (l’atmosphère terrestre) pouvait être dépassée dans le cas du sous-service.


De nombreuses réunions au sein de la CEPT et de l’UIT ont alors été nécessaires pour développer une définition de la météorologie spatiale proposée dans le texte RPC : « Météorologie spatiale : phénomènes naturels, provenant principalement de l’activité solaire et se produisant au-delà de la majeure partie de l’atmosphère terrestre, qui ont un impact sur l’environnement de la Terre et les activités humaines ». Il est intéressant de noter que chaque terme de cette définition a son importance. Ainsi, le terme « principalement » est le résultat d’un compromis entre les Etats-Unis et le Japon, les premiers considérant que seule l’activité solaire générait des phénomènes de météorologie spatiale, tandis que les seconds estimaient que les boules de plasma équatoriales rentrent dans le cadre de la météorologie spatiale, sans pour autant être générées par l’activité solaire. L’expression « majeure partie de l’atmosphère terrestre » démontre la difficulté de définir avec précision la limite de l’atmosphère et révèle, surtout, le besoin de faire la part entre météorologie spatiale et météorologie « traditionnelle ».

A la suite de ce compromis, la France a proposé, à travers un nouveau renvoi dans l’article 4 du RR, de rattacher l’usage des capteurs de météorologie spatiale au service MetAids.

 

La suite : comment protéger ce nouveau service ?

Les experts sont arrivés assez vite à la conclusion que la protection des systèmes, c’est-à-dire des attributions applicables à ce sous-service, ne pourrait être obtenue durant la CMR-23 compte tenu de la nécessité d’avoir sécurisé au préalable la définition du sous-service et du nombre important de bandes concernées. La CEPT propose donc d’ouvrir un nouveau point à l’ordre du jour de la CMR-27 afin d’étudier les attributions possibles et leur statut en termes de protection. La proposition commune de la CEPT à la CMR-23 demandera à ce que plusieurs bandes entre 30 et 200 MHz soient étudiées pour être attribuées aux capteurs de météorologie spatiale, notamment pour les applications en « réception seule ». Ce dernier terme, fruit de longues discussions, vise à combiner la réception dite passive (définie par l’article1.183 du RR – les signaux sont nécessairement d’origine naturelle), et la réception de signaux d’opportunité (signaux artificiels).