Saga CMR-23 : Point 10 - l’ordre du jour de la CMR-27 !

CMR 15 novembre 2023
Le point 10 de la CMR-23 a pour objectif de fixer l’ordre du jour de la CMR-27, qui sera adopté sous la forme d’une Résolution. La première réunion de préparation de la CMR-27 (RPC27-1) aura lieu également à Dubaï, les 18 et 19 décembre 2023, juste après la fin de la CMR-23.

Genève a accueilli fin septembre le 3ème atelier interrégional de l'UIT où chaque organisation a présenté leurs propositions consolidées sur les travaux préparatoires en vue de la CMR-23. La CEPT a soutenu l’inclusion de 12 points à l’ordre du jour qui couvrent essentiellement des besoins spatiaux et scientifiques, ainsi que l’ajout du service mobile aéronautique dans les bandes 694-960 MHz.

Plusieurs propositions du groupe européen ont été retenues dans l’ordre du jour préliminaire de la CMR-27. La Résolution 812 de la CMR-19, très dense, reflètait les attentes divergentes des différentes organisations régionales : certains points n’ayant pu être inclus dans l’ordre du jour de la CMR-23 y avaient été renvoyés à l’ordre du jour de 2027.

Bande « Sub-THz » :

La CEPT renouvelle son soutien à la recherche d’une nouvelle attribution du service de radiolocalisation dans la bande 231,5-275 GHz et à l’identification de bandes de fréquences pour des applications radar dans la gamme de fréquences 275-700 GHz. Le besoin porte sur des capteurs passifs et actifs, pour diverses applications d’imagerie, de localisation ou de sécurité, y compris pour véhicules automobiles, avec un besoin de largeur de bande contigu allant jusqu’à 30 GHz. Ces gammes de fréquences élevées sont couramment appelées « sub-THz ». Les porteurs de cette demande considèrent que certains usages radar ciblés ne peuvent pas coexister avec d’autres services. De fait, depuis les décisions prises sous le point 1.15 de la CMR-19, plusieurs bandes au-dessus de 275 GHz sont déjà identifiées pour des applications des services fixe et mobile, en plus des services scientifiques déjà reconnus depuis 2012. La proposition européenne mentionne en outre la possibilité de considérer des mesures réglementaires afin de protéger le service de radioastronomie dans la bande de fréquences 248-250 GHz, qui lui est attribuée seulement à titre secondaire.

La CMR-23 examinera certainement cette proposition « sub-THz » en relation avec la proposition du groupe APT (Télécommunauté Asie-Pacifique) relatives aux services fixe, mobile, radioastronomie et SETS (passive) dans 275-325 GHz, qui cible explicitement des attributions de bandes à des services au-dessus de 275 GHz, en remplacement des identifications actuelles.

Sujets « satellites » :

Plusieurs propositions européennes portent sur les besoins des services satellite.

- Stations terriennes en mouvement (ESIM) en bandes Q/V : cette proposition prend en compte tant les systèmes GSO que non-GSO et couvre les stations ESIM aéronautiques, maritimes et terrestres pour une utilisation des attribution existantes au service fixe par satellite dans la gamme 40/50 GHz.

- Utilisation bande 51,4-52,4 GHz par le service fixe par satellite (Terre vers espace) pour des systèmes non-GSO : extension des décisions prises au titre du point 9.1.9 de la CMR-19, qui se limitaient aux seuls systèmes GSO.

- Liaisons inter-satellites (ISL) entre satellites non-GSO et satellites GSO dans le service mobile par satellite (MSS) en bande 1,6/2,5 GHz (1 525-1 544 MHz, 1 545-1 559 MHz, 1 610-1 645,5 MHz, 1 646,5-1 660 MHz, 1670-1675 MHz & 2483,5-2 500 MHz) : cette proposition est portée en Europe par l’opérateur Inmarsat. Elle est liée à une proposition similaire initiée par le Luxembourg, relative au besoin pour liaisons inter-satellites dans le service fixe par satellite (FSS) dans la bande C « cœur » (3700-4200 MHz / 5925-6425 MHz). La CEPT anticipe des solutions réglementaires analogues à celles développées dans le cadre du point 1.17 (ISL bande Ka) de la CMR-23.

- Mobile par satellite faible débit / MSS IoT dans les bandes 1645,5-1646,5 MHz, 1880-1920 MHz et 2010-2025 MHz : ces travaux viendraient s’insérer à la suite de ceux menés sous le point 1.18 de la CMR-23. L’enjeu ici est de soutenir un cadre harmonisé global qui permette le partage des bandes entre plusieurs opérateurs, sans obligation de coordination et sur la base de conditions de partage à établir, distinct des attributions « génériques » usuelles au service MSS. Les administrations européennes ont été sensibilisées à la nécessité de mener des études de compatibilité vis-à-vis des applications existantes dans la bande 1 880-1 920 MHz afin de préserver les systèmes DECT, les systèmes de communication mobile ferroviaire (RMR) et les drones gouvernementaux. La bande 2 010-2 025 MHz figure déjà parmi celles étudiées sous le point 1.18 de la CMR-23, de manière limitée à la Région 1. La bande 1 645,5-1 646,5 MHz, déjà attribuée au service mobile par satellite (Terre vers espace) et identifiée pour le Système mondial de détresse et de sécurité en mer (SMDSM) pour une utilisation limitée aux opérations de détresse et de sécurité, est aussi proposée pour étude.

- On notera enfin la proposition qui vise à établir les conditions applicables aux services spatiaux (FSS, BSS, MSS) dans les bandes 71-76 GHz et 81-86 GHz pour protéger le service fixe, via une mise à jour de l’article 21 du RR : l’enjeu est la protection durable des liaisons fixes (backhaul) pour le raccordement des réseaux mobile 5G/6G qui devraient être amenées à s’intensifier dans le futur.

Sujets « scientifiques » :

- Capteurs passifs de la météorologie spatiale (SWO) : la proposition européenne relative aux capteurs passifs de la météorologie spatiale (SWO) s’insère à la suite des travaux sous le point 9.1.a de la CMR-23. Il s’agit d’aboutir à l’adoption d’une définition pour la météorologie spatiale dans l’article 1 du RR et à l’identification des bandes pertinentes pour la mise en œuvre des capteurs SWO. Les travaux pour la CMR-27 cibleraient les attributions de bande de fréquences pertinentes au RR et conditions réglementaires associées. Ces attributions ne devront pas imposer de contraintes excessives au développement futur des services existants, y compris ceux attribués à titre secondaire.

- EESS 23 GHz : recherche d’une nouvelle attribution pour l’exploration de la Terre par satellite (Terrevers espace) dans la bande 22,55-23,15 GHz. Cette attribution est envisagée pour répondre au besoin d'une bande pour les liaisons montantes TT&C appairée avec l'attribution existante au SETS (espace vers Terre) dans la bande 25,5-27 GHz.

- Protection EESS (SETS) sur plusieurs bandes passives entre 86 GHz et 275 GHz : le but est de protéger le SETS (passif) dans un certain nombre de bandes de fréquences couvertes par le renvoi RR 5.340 au-dessus de 86 GHz contre les rayonnements non désirés provenant de services actifs fonctionnant dans des bandes de fréquences adjacentes. Ces études pourraient conduire à une mise à jour de la Résolution 750 (Rév. CMR-19). La proposition se limite aux bandes 5.340 effectivement utilisées par le SETS. Les bandes passives 100-102 GHz, 109,5-111,8 GHz et 250-252 GHz ne sont ainsi pas concernées par ces études.

Enfin deux propositions distinctes relatives à la protection de la radioastronomie (RAS) vis-à-vis des liaisons descendantes de services satellitaires seront présentées par la CEPT. Elles traduisent une inquiétude très forte des radioastronomes vis-à-vis des risques de brouillages liés aux de méga-constellations de satellites en orbite basse, et leur volonté d’introduire dans les procédures la protection des observatoires de la radioastronomie, qui tienne aussi compte de l’effet d’agrégation de constellations multiples.

L’ANFR a veillé dans le cadre de la préparation européenne à bien distinguer les attentes concernant la « problématique de l’agrégation de plusieurs constellations » de celles portant sur la mise à jour la Résolution 739. Cette dernière a pour objet d’établir les seuils qui s'appliquent à toute station spatiale d’un système GSO (limite pfd) ou à toutes les stations spatiales d'un système non-GSO (limite epfd) afin de déclencher une procédure de consultation pour protéger les sites de radioastronomie. Les limites applicables au titre de la Résolution 739 (Rév. CMR-19) ne tiennent pas compte de l'impact de plusieurs systèmes à satellites sur une station de radioastronomie. Mais l’analyse des bandes de fréquences à risques pour la radioastronomie montre que le principal problème reste la bande 10,68-10,7 GHz, qui n’est d’ailleurs pas incluse dans la Résolution 739. Les autres cas soit seront couverts par d’autres études (cas de l’utilisation des bandes des opérateurs mobiles pour des communications par satellite), soit correspondent à des bandes non utilisées en Région 1 pour le spatial (2,6 GHz). Par réalisme, La France avait ainsi proposé un point à l’ordre du jour de la CMR-27 limité à la protection de cette bande de fréquences, tout en proposant des études UIT-R plus générales, sans objectif de révision du RR à la CMR-27.

Cette approche n’a pas été retenue, au profit d’une proposition (ECP) de la CEPT relative à la protection de la radioastronomie vis-à-vis des méga-constellations, portée par l’administration allemande, qui embrasse toutes les bandes de fréquences et paraît très ambitieuse au regard de l’objectif recherché. Cela devrait conduire à des objections de la part des autres organisations régionales durant les travaux à venir. La France s’est abstenue sur cette proposition, lors de la réunion finale de la CEPT (CPG).  En dépit de ses réserves, la France soutiendra le principe d’un examen à la CMR-27 de la protection de la bande 10,68-10,7 GHz vis-à-vis de ces constellations et d’études plus générales sans objectif de modification règlementaire à la CMR-27.

Sujets « mobiles » :

La question de la recherche de bandes candidates en vue soutenir la mise en œuvre de la 6e génération de téléphonie mobile à l’horizon 2030 (IMT-2030) fera sans conteste l’objet de discussions intenses.

En cohérence avec la position soutenue par la France, la CEPT a conclu, concernant la gamme de fréquences 7-24 GHz, qu’elle ne soutient pas de point à l’ordre du jour, compte tenu de l'utilisation intensive actuelle des fréquences par les services existants, en particulier les services spatiaux et les usages militaires.

Cette conclusion n’ignore pas le besoin d’identifier au plus tôt une « bande pionnière 6G » offrant la possibilité de couverture et de capacité, à même de soutenir une offre nationale pour des services « données mobiles » en 6G. A titre comparatif, les bandes mobiles millimétriques 26 GHz et 42 GHz harmonisée en Europe ciblent uniquement les scénarios d’une capacité IMT « hot-spot » pour satisfaire des besoins locaux.

La bande 6425-7125 MHz, étudiée sous le point 1.2 de la CMR-23, offre en revanche des perspectives d’utilisation réalistes pour des systèmes IMT-2030 (6G) tout en tenant compte des services existants (coexistence avec les services satellite et mise à disposition/migration FH à l’horizon 2030), en cohérence avec les résultats positifs des études de coexistence présentées par la France et le Royaume-Uni.

La bande 6 GHz haute pourra en outre faire l’objet d’examen complémentaire pour la CMR-27, compte tenu du fait que le périmètre du point 1.2 de la CMR-23 se limite à la Région 1 en ce qui concerne la sous-bande 6425-7025 MHz. La Chine a ainsi fait part de son intention de soutenir la recherche d’une identification IMT de l’ensemble de la bande en Région 3 pour la CMR-27.

Enfin, sur cette thématique 6G, il sera intéressant d’observer lors de la Conférence si la cible 3GPP pour des canaux très larges (ex : 200 MHz) ne favorisera pas un intérêt pour l'examen de la bande 7 125-7 250 MHz. De tels travaux ne devraient pas remettre en question les utilisations essentielles sous les services d’exploration de la Terre par satellite et de recherche spatiale (Terre vers espace) pour la télémesure/télécommande des engins spatiaux.

Également en lien avec le service mobile, la CEPT maintient sa proposition en faveur d’une étude des conditions d’utilisation des bandes entre 694 et 960 MHz par des stations terminales mobile IMT aéronautiques. L’objectif est l'amélioration de la connectivité des terminaux dans les réseaux mobiles à bord d’aéronefs et des drones.

Enfin, la France proposera dans une contribution multi-pays un point visant à compléter le tableau 21-2 du RR en vue de protéger la réception satellite vis-à-vis des services fixe et mobile dans les bandes concernées au-dessus de 30 GHz : 40-40,5 GHz ; 42,5-43,5 GHz & 43,5-47 GHz ; 47,2-50,2 GHz & 50,4-52,4 GHz. Cette proposition s’insère à la suite des travaux menés pendant le cycle 2020-2023 en lien avec l’article 21.5 du RR.

Autres sujets :

La France et l’Europe s’opposent à la proposition de durcissement des limites de pfd dans les bandes 9,2-10,4 GHz pour l’exploration de la Terre (active) provenant du groupe APT et soutiennent en revanche les propositions pour une règlementation couvrant l’usage des bandes IMT par les opérateurs mobiles pour un accès direct par satellite.

La France soutiendra aussi la proposition de la CITEL d’étudier les communications lunaires, à condition que certaines restrictions, notamment dans le choix des bandes, soient prises en compte pour préserver les mesures de radioastronomie et de recherche spatiale (passive) sur la zone tranquille de la Lune. Concernant la proposition de plusieurs organisations régionales pour réviser le cadre règlementaire de l’article 22 sur la protection de l’arc géostationnaire vis-à-vis des constellations, elle exprimera son opposition à envisager un nouveau cadre, tout en pouvant concéder un point portant sur l’examen des limites d’epfd.