Les forfaits qui empêchent de communiquer

Enquêtes de l’ANFR 29 janvier 2024
1 370 mètres d’altitude, un froid saisissant, de la neige à perte de vue et un joyeux ballet de sportifs... Vous l’avez deviné, nous sommes dans une station de ski. Située dans l’Isère, la commune de La Morte, dont le nom serait d'origine préceltique "mor-murr" signifiant butte rocheuse, accueille une station de sports d’hiver. Ce nom à la résonance quelque peu macabre a été modifié dans les années 60 : la station s'appelle aujourd’hui l’Alpe du Grand Serre.

C’est en pleine saison de sports d’hiver que l’ANFR a été saisie par un opérateur mobile pour un brouillage affectant ses services de téléphonie et d’internet mobile dans la bande de fréquences 900 MHz. La disponibilité des services mobiles est cruciale dans cet environnement, notamment pour les services d’urgence.

Deux agents du département interventions du Service Interrégional Est prennent donc bientôt la route escarpée qui relie la vallée de la Romanche à la commune de la Morte. Peu de temps après, les voici près du site hébergeant la station radioélectrique perturbée, l’antenne relais restant quant à elle inaccessible à cause de la neige. Qu’importe : le signal perturbateur apparaît clairement sur l’écran de l’appareil de mesure. Il s’agit maintenant de se déplacer pour rechercher son origine…

Leur véhicule laboratoire 4x4 adapté à la montagne en toute saison peut continuer sa progression sur les voies accessibles, ses antennes omnidirectionnelles balayant les bandes de fréquences en permanence. Bientôt le signal perturbateur voit son niveau d’émission s’intensifier… A cet instant, le véhicule se trouve justement face au domaine skiable.

 

Désormais à pied, dans la neige, le récepteur de mesure sanglé autour du corps, nos agents partent en exploration, sous le regard perplexe des premiers skieurs : l’antenne directive qu’ils tiennent à la main est tout de même bien petite pour servir de snowboard…  Et pourtant, les voici déjà à l’entrée d’un télésiège, en train de couper la file !

Ce malentendu sera de courte durée, car le coupable vient d’être identifié : c’est en effet l’appareil pour la lecture des forfaits de ski alpin qui émet le signal perturbateur.

Les agents ANFR ont pu s’entretenir avec l’installateur de l’équipement en défaut, qui est intervenu quelques jours plus tard. Le brouillage a ainsi été résolu, permettant aux vacanciers de reprendre leur live TikTok – et surtout aux services d’urgences de redevenir joignables, au pied du télésiège, mais aussi et surtout sur les pistes !

 

Comment un lecteur de pass peut brouiller une station 3G ?

Le lecteur de forfait des skieurs utilise la radio-identification, désignée par RFID (radio frequency identification), qui consiste en l’utilisation d’ondes électromagnétiques pour lire l’identité d’un marqueur (ici le pass forfait du skieur) appelé radio-étiquette. En Europe, le RFID est censé émettre autour de 868 MHz, cependant celui-ci émettait autour de 902 et 928 MHz, bande de fréquences attribuée à l’opérateur mobile.

C’est lors de son intervention que le technicien a pu constater que le module radio installé dans le lecteur RFID n’était pas le bon ! En effet, c’était un module radio destiné au territoire américain. D’une zone géographique à une autre les réglementations varient, le module émettait donc dans une bande de fréquences autorisée aux États-Unis pour les appareils radio à courte portée (RFID) mais qui en France, altérait la qualité de service sur toute la zone de couverture de cette antenne !

En savoir plus

Les dispositifs d’identification par radiofréquence (RFID) sont des systèmes de radiocommunication utilisés pour récupérer à distance des données contenues dans des étiquettes (ou « RFID tag ») fixées à des objets. Les interrogateurs activent les étiquettes et reçoivent des données en retour.

Les radio-étiquettes comprennent une antenne qui leur permet de recevoir de l’énergie activant une puce électronique ainsi que des messages ; en retour, la puce utilise la même antenne pour répondre aux requêtes radio émises depuis l’interrogateur.

Les dispositifs RFID sont couramment utilisés pour suivre et identifier des objets.

Quelles sont les règles à respecter pour les émissions des dispositifs RFID ?

L’utilisation des applications RFID est notamment possible dans 4 canaux de 200 kHz de la bande 865-868 MHz, qui est une bande de fréquences harmonisée au niveau européen. Cette utilisation doit néanmoins suivre un certain nombre de conditions techniques précisées dans la décision de l’ARCEP n° 2021-1589 en date du 29 juillet 2021, et notamment la puissance apparente rayonnée de moins de 2 W.

Une décision européenne, applicable en France, permet de déployer des RFID dans 3 canaux de 400 kHz de la bande 915-919,4 MHz, à condition qu’ils ne causent pas de brouillage préjudiciable aux stations d'un service de radiocommunication bénéficiant d’une attribution à titre primaire ou secondaire dans le tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF).

A cet effet, des conditions techniques particulières s’appliquent : elles sont rappelées dans l’annexe 7 du TNRBF, dans la décision Arcep n° 2021-1589, dans l’arrêté du 21 octobre 2021 homologuant la décision n° 2021-1589 et sur le site de l’ANFR dans la rubrique « gestion des fréquences ».

  • La puissance apparente rayonnée maximale pour les interrogateurs RFID dans ces fréquences est limitée à 4 W.
  • Par ailleurs, une déclaration doit être transmise à l’ANFR pour l’utilisation de telles fréquences pour des systèmes RFID. Par dérogation à l’article 4 de l’Arrêté du 17 décembre 2007 modifié pris en application de l’article R. 20-44-11 du code des postes et des communications électroniques et relatif aux conditions d’implantation de certaines installations et stations radioélectriques, les RFID utilisant un ou plusieurs canaux dans la bande de fréquences 915-919,4 MHz dont la puissance apparente rayonnée (PAR) est supérieure à 1 W, sont déclarés par l’exploitant à l’ANFR avant installation. Les exploitants doivent indiquer les coordonnées géographiques du site, les fréquences utilisées et puissance apparente rayonnée maximum (PAR). Le formulaire correspondant est disponible sur le site de l’ANFR.

Dans tous les cas, le détenteur d’un équipement RFID est garant de l’utilisation conforme des fréquences et est responsable si son équipement est à l’origine d’un brouillage !

L’utilisateur d’un équipement dans des conditions non conformes qui de plus est responsable d’un brouillage est responsable de deux délits au titre de l’article L. 39-1 du code des postes et des communications électroniques (CPCE). Pour chacun de ces délits, il encourt une sanction pénale  qui peut aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 30 000 € d’amende.