Le Direct to Device : vers une couverture mobile en tout lieu ?

Mais certains lieux restent encore difficiles à couvrir. L’absence de couverture mobile peut être alors pénalisante alors que nous devenons de plus en plus dépendants des applications de nos smartphones au quotidien. De plus, les catastrophes naturelles peuvent également conduire à une défaillance du réseau mobile. A l’extérieur des bâtiments, une solution se dessine aujourd’hui, le « D2D ».
Deux lettres et un chiffre pour un nouveau sigle ?
Les développements technologiques, qui trouvent leur traduction dans la normalisation, permettent aujourd’hui de recevoir un signal satellite sur le même smartphone que celui utilisé au quotidien sur les réseaux mobiles. On parle de communications directes vers le terminal, en anglais « direct to device » ou D2D. Cette innovation bouleverse les écosystèmes établis depuis des décennies, les services mobiles terrestre et par satellite ayant évolué jusqu’à présent en parallèle. Les premiers bénéficient d’une normalisation permettant l’itinérance mondiale et le changement d’opérateur, les seconds reposent sur des réseaux spécifiques et des terminaux propriétaires. Aujourd’hui, de nouveaux modèles émergent, qui offrent un service combiné, tels Globalstar en partenariat avec Apple [1] ou les systèmes Starlink ou AST Space Mobile en coopération avec les opérateurs mobiles. Le D2D est ainsi devenu l’un des thèmes majeurs du dernier Mobile World Congress à Barcelone.
Etudes et avis
Ces nouveaux services soulèvent des enjeux internationaux dans le domaine des fréquences. Ils font l’objet d’études dans le cadre de la préparation de la CMR-27 (point 1.13) et vont conduire à élaborer un cadre réglementaire harmonisé en Europe. En réponse à une demande de la Commission européenne, les États membres au sein du RSPG viennent récemment de publier leur analyse et recommandations sur les différentes composantes D2D : avis D2D et accès au marché UE .
L’avis distingue le D2D dans les bandes des opérateurs mobiles (« D2D-IMT ») de celui dans les bandes satellites sont autorisées (« D2D-MES »). Il détaille aussi le cas des applications de l’internet des objets (IoT), soit dans les bandes MSS sous 1 GHz (« D2D-IoT-MSS ») soit dans des bandes harmonisées pour les appareils à faible puissance (« D2D-IoT-SRD »).
Pour l’utilisation du D2D-IMT, l’enjeu majeur porte sur la protection des réseaux mobiles et des autres services radio, en bande adjacente et aux frontières. La question de la protection aux frontières fait l’objet d’études pour la CMR 27, mais il apparaît également opportun d’inclure cette protection dans les conditions techniques harmonisées en Europe à l’horizon 2027/28. La Commission européenne entend donc confier un mandat d’étude à la CEPT à cet effet. Par la suite, en fonction de la demande du marché, ces conditions techniques pourraient être reprises dans les autorisations des opérateurs mobiles qui établiraient un partenariat avec un opérateur satellite D2D. Ce modèle d’autorisation est l’approche privilégiée par les États membres, compte tenu des autorisations mobiles en vigueur aujourd’hui : l’opérateur libérerait une partie des fréquences utilisées par son réseau mobile pour les réserver à un usage D2D. Dans le cas où des fréquences mobiles terrestres resteraient encore disponibles, l’attribution directe d’une autorisation à un opérateur D2D serait aussi une possibilité.
Concernant les services D2D-MES, ils avaient déjà été abordés par le RSPG dans son avis sur la bande MSS 2GHz. Dans cette bande, les autorisations attribuées à Viasat/Inmarsat et Solaris/Echostar arrivent à échéance en 2027, et cette échéance fait l’objet de travaux communautaires [2] Pour les autres bandes, les États membres sont invités à mieux identifier les opérateurs satellites susceptibles d’intervenir sur leur territoire, y compris via les autorisations ou procédures d’enregistrement. La question de la nécessaire amélioration du blocage des récepteurs MES opérant au-dessus de 1518 MHz est à nouveau rappelée, afin de réduire les contraintes de déploiements des réseaux mobiles SDL en bande L dans les ports et aéroports.
Les communications entre les appareils à faible puissance et satellites (D2D-IoT-SRD) font déjà l’objet d’études au niveau européen (CEPT) qui sont en train d’aboutir à une harmonisation des conditions techniques. L’avis propose de les reprendre dans le cadre communautaire, la CEPT devant alors établir la liste des opérateurs satellites qui satisfont aux conditions. L’autorisation restera de la responsabilité de l’État membre, tenant compte d’un usage en partage avec des autres applications pour appareils de faible puissance (AFP) existantes sous autorisation générale.
Les usages D2D dans les bandes MSS inférieures à 1GHz relèvent de marchés de niche pour des applications du type IoT. Les mesures d’harmonisation volontaires de la CEPT sont considérées suffisantes pour accompagner l’essor de ce marché.
Les enseignements et résultats de la CMR-27 qui traitent également de ces questions sous les points d’ordre du jour 1.12 (D2D-IoT) et 1.13 (D2D-IMT) devront être analysés, en temps voulu, pour adapter le cas échéant les conditions techniques au cadre international.
Ces travaux sur la politique du spectre en réponse à une demande de la Commission européenne ont mis en évidence d’autres questions liées aux usages D2D qui se situent en dehors du domaine de la gestion des fréquences. Certaines devront être traitées à l’échelon national, comme les interceptions légales, la sécurité ou la souveraineté ; d’autres devront être mises en conformité avec le cadre réglementaire européen : la résilience, les communications d’urgence, la concurrence, la protection des données personnelles ou la cybersécurité.
[1] support.apple.com/fr-sn/122339
[2] Voir avis RSPG MSS 2GHZ Document RSPG24-007