L’appareil qui protégeait les uns et pénalisait les autres

Enquêtes de l’ANFR 03 avril 2024
En début d’année 2024, l’ANFR a été saisie par un opérateur mobile dont deux antennes relais subissaient un brouillage dans la bande de fréquences des 2,6 GHz. Les services 3G de téléphonie et d’Internet mobile étaient impactés dans tout un quartier de la commune de Loire-sur-Rhône (69).

Quelques jours plus tard, deux agents du Service Interrégional Est s’emparent du dossier, prêts à mettre fin à ce brouillage. Comme toujours, les contrôleurs du spectre procèdent méthodiquement, point par point, puis déroulent la pelote, jusqu’à retrouver l’équipement perturbateur.

Un premier arrêt est nécessaire sur le site de l’une des deux antennes relais : à l’aide de leurs équipements de mesure, ils relèvent les caractéristiques du brouillage sur le site perturbé. Puis ils reprennent la route à bord de leur véhicule laboratoire. Grâce à son radiogoniomètre de toit, ils roulent dans la direction qui leur procure le niveau d’émission le plus élevé de la fréquence brouilleuse

Très rapidement ils se retrouvent devant une entreprise de transport, située à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau de l’antenne relais. C’est maintenant à pied qu’ils continuent de suivre le signal, muni d’un récepteur et d’une antenne directive… Le verdict tombe : l’appareil désigne des caméras de vidéosurveillance.

Des équipements installés pour se protéger, mais qui sont eux-mêmes devenus nuisibles…

En effet, les fréquences utilisées par ces caméras pour se connecter en Wifi avec le système central de vidéoprotection étaient complètement illégales !

Les caméras de vidéosurveillance communiquaient sur une fréquence centrale de 2,525 GHz. Or, cette fréquence n’est absolument pas un des canaux autorisés pour le Wifi en France ! En effet, le spectre affecté au Wifi débute à 2 400 MHz et se termine à 2 483,5 MHz.

Il peut arriver que des équipements qui ne respectent pas les normes européennes créént des brouillages car ils émettent dans les mauvaises fréquences. Par exemple, une enquête de 2022 avait relaté l’histoire d’un antivol, cousu à l’intérieur d’une doublure, qui émettait dans la bande de fréquences attribué aux puces RFID dans la zone Amériques mais qui en France correspondait à une bande alloué à la 3G. Ce petit appareil a priori inoffensif, lorsqu’il était face à l’antenne, altérait la qualité de service sur toute la zone de couverture de cette antenne.

Ici, c’était plus surprenant : le Wifi n’est pas supposé fonctionner autour de 2,525 GHz, y compris partout ailleurs dans le monde !

Après leur découverte, les agents de l’ANFR se sont entretenus avec un responsable de l’entreprise pour lui expliquer que son système de vidéoprotection connecté en Wifi émettait illégalement dans les fréquences attribuées à un opérateur mobile et était responsable d’un brouillage dans tout le quartier.

 

De bonne foi, il a alors lancé l’interface web de programmation de son système de vidéoprotection.  Dans l’un des menus, il apparaissait plusieurs intitulés dont « EU » pour Europe. Une fois le système reprogrammé sur EU, les agents ont pu constater qu’il émettait bien dans les fréquences autorisées.

 

En savoir plus

Quelques conseils

  • Lorsqu’on utilise un équipement radioélectrique, il faut s’assurer qu’il est conforme à la directive des équipements radioélectriques (RED) et de sa transposition en droit français, en vérifiant que le marquage CE figure sur le produit et son emballage.
  • Avant de l’installer et de l’utiliser, il faut vérifier si l’équipement est soumis à des restrictions, comme par exemple au regard de l’utilisation de telle ou telle bande de fréquences. Il faut alors suivre la notice d'utilisation et les instructions de montage, de manière à permettre que ce dernier soit utilisé dans le respect des exigences essentielles.
  • Comme dans cette enquête, certains équipements connectés en Wifi destinés à être vendus dans différentes régions du monde nécessitent, avant de les mettre en route, de choisir la zone ou le pays d’utilisation afin que les canaux Wifi qui seront mis en œuvre soient ceux autorisés en France. Une maintenance régulière de l’équipement est également importante pour assurer de son respect dans le temps des exigences essentielles de la directive RED.

 

Les bandes libres

Les fréquences Wifi sont souvent qualifiées de « libres » car elles ne nécessitent pas de licence individuelle pour être utilisées. Mais cette formulation peut être trompeuse car leur utilisation doit tout de même respecter un certain nombre de règles et ne pas brouiller de services radioélectriques (décision ARCEP n° 2021-1589).

www.arcep.fr : Qu’est-ce qu’une bande libre ? A quoi ça sert ? Comment les utiliser ?