La CMR, à quoi ça sert ? L’ANFR décode la CMR-23 - Point 1.4 : après les HAPS à la CMR-19, les HIBS à la CMR-23

CMR 08 février 2022

Le point 1.4 de la CMR-23 porte sur les HIBS, charmant acronyme signifiant « HAPS as IMT Base Station ». Comme souvent rappelé dans notre lettre d’information, « IMT » est l’appellation de l’UIT pour les communications mobiles internationales 3G, 4G et 5G et les HAPS sont des « High Altitude Plateforme Stations », c’est-à-dire des émetteurs/récepteurs placés sur des plateformes à haute altitude (stratosphérique, au-dessus de 20 km). En France, les drones du programme Zephyr d’Airbus ou les ballons du programme Stratobus de Thales Alenia Space sont des HAPS. La CMR-19 avait ouvert la bande 38-39,5 GHz pour les communications avec les stations HAPS, répondant favorablement aux demandes de l’industrie.

Le point 1.4 de la CMR-23 est particulièrement ambitieux car il vise à permettre des communications directes entre HAPS et téléphones mobiles pour les opérateurs qui le souhaiteraient dans les bandes de fréquences en-dessous de 2,7 GHz. Cela rentre dans le cadre de réflexions plus larges en normalisation (réseaux « non-terrestres » en cours de spécification au 3GPP) et participe des futurs systèmes 6G dont un objectif est la connectivité globale. Cette perspective a intéressé depuis plusieurs années des opérateurs comme SoftBank et les équipementiers mobiles (Nokia, Ericsson) contribuent à l’instruction du dossier.

Mais des relais mobiles à 20 km (HIBS) présentent des risques de brouillages très différents des relais terrestre car la propagation en visibilité se fait sur de très longues distances (plus de 500 km). Cela peut présenter des difficultés de coexistence entre opérateurs mobiles autorisés sur des zones géographiques différentes, par exemple aux frontières, mais aussi pour la protection d’autres usages dans les mêmes bandes ou en bande adjacente. Toutefois, si les « HAPS » sont définis à ce stade comme évoluant à une altitude supérieure à 20 km, donc au-dessus des espaces aériens contrôlés (qui vont jusqu’à 60 000 pieds, soit environ 20 km), les études en cours n’excluent pas des altitudes plus basses.

Ces risques de brouillages peuvent normalement être évités entre pays en définissant dans le Règlement des radiocommunications certaines contraintes de protection aux frontières, par exemple sous forme de limites de PFD (Power flux density ou densité surfacique de puissance), afin d’assurer que les émissions des HIBS ne puissent brouiller les stations des pays voisins, ou bien encore par des limites de rayonnement hors bande. Mais le grand nombre de bandes de fréquences considérées et donc de scénarios à étudier compliquent le travail de l’UIT-R, déjà ralenti dans le contexte de la Covid-19.

Les études de l’UIT-R seront aussi utiles pour comprendre comment faire coexister HIBS et stations de base au sol à l’intérieur du réseau d’un même opérateur et les recouvrements de couverture induits. Mais les mécanismes de gestion de réseaux hétérogènes (HetNet) progressent et le WorldWide Research Forum a même évoqué des utilisations de HIBS en zone urbaine, afin d’y combler des « trous » de couverture et d’accélérer les déploiements. 

Plusieurs pays sont moteurs sur ce sujet, dont le Brésil, compte tenu de la taille de son territoire, des pays africains comme le Zimbabwe, et de nombreux pays asiatiques (Japon, Corée, Chine). A l’inverse, l’Inde soulève de nombreux obstacles, notamment dans la bande 2,6 GHz, car son utilisation du spectre diffère de celui de ses voisins, suscitant donc son inquiétude. Les Etats-Unis sont aussi plutôt réservés sur le sujet.

Néanmoins, compte tenu de l’accélération espérée des études de l’UIT-R en 2022, la CMR-23 devrait pouvoir conclure favorablement sur ce sujet porteur d’innovation et pouvant offrir des possibilités inédites de couverture en très haut débit mobile.