Il y a du gaz dans l’eau !

Enquêtes de l’ANFR 29 avril 2024
En décembre 2023, l’ANFR est saisie par une entreprise spécialisée dans la distribution d’eau : elle subit des perturbations importantes et permanentes des fréquences comprises entre 169,400 MHz et 169,475 MHz utilisées pour la transmission de données de compteurs d’eau.

. Cette télérelève utilise WIZE, technologie de réseau étendu à faible consommation dérivée du standard européen Wireless M-Bus. WIZE est exploitée par des services publics pour les infrastructures de comptage intelligent de gaz, d'eau et d'électricité mais aussi pour des applications d’internet des objets (IoT), pour l'industrie et les territoires intelligents.

Ce brouillage, donc, empêche trois concentrateurs de la commune de Crest, dans la Drôme (26), de recueillir correctement leurs données !

Quelques semaines plus tard, deux agents habilités et assermentés du Service interrégional Est de l’ANFR se rendent sur le site brouillé. Dès les premières mesures, ils constatent une utilisation intensive de la bande 169 MHz. Une seule émission semble être à l’origine de cette perturbation : un utilisateur très gourmand occuperait donc à lui tout seul une grande partie de cette bande !

La bande 169 MHz est une bande de fréquences appelée bande « libre » ou « de plein droit », c’est-à-dire qu’elle ne nécessite pas de licence individuelle. Plusieurs utilisateurs peuvent donc « cohabiter » ; mais encore faut-il que chacun suive la réglementation en vigueur.

A bord de l’ANFR-mobile équipée d’antennes et de récepteurs, les agents de contrôle du spectre partent à la recherche de cet émetteur peu partageur... jusqu’à arriver dans la commune voisine de Chabrillan.

Et c’est plus précisément devant un poste de supervision d’un pipeline pétrolier que se retrouvent bientôt les enquêteurs. Ils mesurent sans plus attendre les caractéristiques du signal émis par l’émetteur installé sur le poste de supervision. Cet appareil transmet par voie hertzienne différentes données, visant à sécuriser le transport de pétrole brut dans une canalisation enterrée, vers un autre poste de supervision. Les réservoirs de stockage et les pipelines sont en effet équipés de capteurs pour assurer l’intégrité des installations tout au long de leur durée de vie mais également pour relever de nombreux paramètres afin, le cas échéant, de détecter des problèmes.

Ces mesures mettent rapidement en évidence une utilisation non conforme des fréquences 169 MHz. En effet le taux d’occupation de cette bande libre par un seul émetteur doit rester en moyenne au-dessous de 10 % du temps. Mesuré à plus de 30 %, le taux d’occupation des fréquences par ce poste de supervision ne laisse plus assez de temps libre pour que la compagnie de distribution d’eau effectue sans incident la télérelève de la consommation de ses abonnés.

Les agents de l’ANFR ont donc enjoint à l’entreprise de prendre toutes les mesures nécessaires pour faire cesser la perturbation. Elle a opté pour une autre bande de fréquences sous régime de licence individuelle : cela lui garantit une transmission exclusive, qui ne perturbe plus la collecte des compteurs, mais surtout protégée, et donc mieux adaptée à une application dédiée à la sécurité du transport des hydrocarbures.

 

Pour en savoir plus

Des règles d’utilisation des fréquences ont été instaurées pour permettre la meilleure cohabitation entre les utilisateurs de fréquences afin :

  • D’aider à prévenir et à résoudre les cas de brouillage préjudiciables ;
  • faciliter un accès équitable aux ressources
  • et permettre l'utilisation rationnelle des ressources naturelles du spectre des fréquences radioélectriques pour tous les services de radiocommunication.

 

Fréquences couvertes pas une autorisation générale

Elles sont communément appelées « libres » ce qui peut induire en erreur puisqu’il existe bien un régime d’autorisation, d’une autorisation générale dans ce cas. Ces fréquences peuvent être exploitées sans autorisation administrative, ne nécessitent pas de demande d’autorisation individuelle et sont gratuite d’utilisation.

En revanche, leur utilisation est un droit collectif. Ces fréquences sont soumises à des conditions techniques restrictives d’utilisation et ne doivent pas perturber les autres systèmes utilisant la même fréquence.

Exemples de fréquences libres : WiFi, Bluetooth, RFID, systèmes d’alarmes, microphones, systèmes audio, systèmes de recharge sans fil, communication entre véhicules...

Fréquences soumises à un régime d’autorisation individuelle

L’utilisation de ces fréquences nécessite la demande d’une autorisation individuelle préalable auprès de l’Arcep et sont soumises à une redevance d’occupation.

En contrepartie, les attributaires de ces autorisations bénéficient d’un droit exclusif d’utilisation.

Ces fréquences bénéficient d’une garantie de protection contre les brouillages. En cas de brouillage, l’affectataire de ces fréquences peut demander à l’ANFR d’intervenir pour localiser l’équipement cause du brouillage et identifier son propriétaire.

 

Bon à savoir

Si une bande de fréquences « libre » ou « de plein droit », qui ne nécessite aucune licence individuelle, est saturée en raison d’un trop grand nombre d’utilisateurs et qui émettent conformément aux conditions d'utilisation, rien ne peut être entrepris au plan légal. Ceci serait en quelque forte un cas de saturation « autorisée ». C’est la rançon de l’utilisation de fréquences qui ne donnent pas droit au paiement d’une redevance.

L’enquête ne correspond pas à ce cas de figure puisque l’entreprise ne respectait pas la réglementation en vigueur.