L’ouverture de la bande 3,8-4,2 GHz à la 5G « industrielle »

Négociations 28 juillet 2022
La 5G « industrielle » a été identifiée depuis des années comme pouvant stimuler des gains de productivité, contribuer à la recherche d’efficacité et accompagner la relance industrielle. En effet, ses performances en termes de débit, de latence, ou...

La 5G « industrielle » a été identifiée depuis des années comme pouvant stimuler des gains de productivité, contribuer à la recherche d’efficacité et accompagner la relance industrielle. En effet, ses performances en termes de débit, de latence, ou encore dans la mise en œuvre de la fonctionnalité de network slicing[1] sont de réels atouts dans de nombreux secteurs économiques comme l’automatisation, les plateformes logistiques (distribution, fret, ports, etc.), les industries de réseaux, l’agriculture, l’évènementiel… Les innovations sur le lien radio mais également sur l’architecture réseau qu’offre la 5G constituent une véritable rupture par rapport aux générations précédentes - 2 G (voix), 3G (voix, données), 4G (voix , données, vidéo).

Au niveau européen

En 2016, la Commission européenne soulignait déjà, dans son plan d’action 5G, que cette technologie contribuerait à « l’accélération du processus de numérisation dans plusieurs secteurs clés de l’industrie ». Elle a depuis soutenu des des projets de recherche et développement ainsi que diverses initiatives dans ce domaine[2]. Quant au programme d’action pour la décennie numérique, il est actuellement en cours de négociation, mais il souligne l’importance de la 5G comme outil de la transformation numérique.  

Au niveau national

Le rapport de la mission 5G industrielle remis par M. Philippe Herbert au gouvernement le 3 mars 2022 propose des actions pour mobiliser l’écosystème 5G industriel français et européen. Sa première recommandation vise à « faciliter et élargir l’accès à des fréquences dédiées aux réseaux 5G » et notamment « d’ouvrir un guichet pour des expérimentations d’usages industriels de la 5G dans une partie de la bande 3,8-4,2 GHz ». Ce guichet devrait respecter les différentes contraintes et usages existants dans cette bande. Dans le prolongement de ce rapport, le gouvernement et l’Arcep ont lancé un guichet d’expérimentations dans cette bande et la bande 2,6 GHz, tout en rappelant que cette dernière a été ouverte à de tels usages dès 2019.

Par ailleurs, la bande 3,8-4,2 GHz est entrée depuis fin 2021 dans un processus d’harmonisation européenne pour les usages 5G « verticaux » à couverture locale. Le RSPG avait en effet identifié   que les besoins en spectre des États membres dans les bandes intermédiaires (1 à 6 GHz) pour des couvertures locales des verticaux était fragmentée  : le 2,6 GHz en France, le 3,7 GHz en Allemagne et en Suède , le 2,3 GHz pour certains autres pays – ou bien encore aucune bande. Le RSPG recommandait donc d’étudier la possibilité d’utiliser la bande 3,8-4,2 GHz pour ces usages locaux de faible et moyenne puissance, tout en protégeant les autres usages de cette bande, notamment les stations terriennes en réception. Sur cette recommandation, la Commission a lancé le processus d’harmonisation européen en confiant un mandat d’étude à la CEPT sur l’utilisation partagée de cette bande pour la connectivité de réseaux locaux. Le calendrier s’étend jusqu’en mars 2024, mais à l’instar de la recommandation du rapport Herbert, plusieurs pays, comme le Royaume-Uni ou la Norvège, ont déjà mis en place un cadre permettant un usage partagé de la bande.

L’enjeu de ces études sera de mettre en évidence la possibilité de partage entre 5G « industrielle » et stations terriennes de réception satellite. En effet, cette gamme de fréquences est la seule accessible en France et en Europe de la bande C pour les satellites, dans le sens descendant. Elle reste d’ailleurs critique pour certaines communications avec les pays à forte pluviométrie (zones équatoriales) compte tenu des fortes pertes de propagation en cas de pluie dans les bandes satellites Ku ou Ka, qui affecte leur disponibilité. Pour la France, l’usage de ces bandes se limite à une quinzaine de stations, mais le secteur satellite doit garder la possibilité de proposer de nouvelles assignations ou de nouvelles stations.

Sur le plan technique

Le partage de cette bande repose sur le fait qu’une couverture locale peut être réalisée avec des puissances bien plus faibles que les stations de base des opérateurs dans la bande 3,5 GHz, dont l’objectif est de fournir la couverture la plus étendue possible. A titre de comparaison, les puissances (p.i.r.e.) autorisées pour une largeur de bande de 100 MHz au Royaume-Uni dans cette bande ne dépassent pas 49 dBm alors que, dans la bande 3,5 GHz, elle peut être mille fois plus élevée pour les relais des réseaux ouverts au public (jusqu’à 80 dBm). Cette puissance plus faible réduira considérablement les distances de brouillage entre les deux services, mais d’autres paramètres vont aussi s’avérer importants, comme les hauteurs d’antenne ou les utilisations à l’intérieur des bâtiments. De plus, les nombreux « espaces blancs » disponibles après la prise en compte des fréquences assignées aux stations terriennes ouvre un large territoire à la 5G verticale.

Par la suite

D’autres aspects seront abordés dans le cadre de ce mandat, notamment les questions de coexistence avec les utilisations dans les bandes adjacentes. En effet, en-dessous de 3,8 GHz, la coexistence entre les réseaux des opérateurs mobiles est assurée par l’utilisation d’une trame commune et une synchronisation des réseaux, rendue obligatoire par l’Arcep et permettant d’éviter que les stations de base se brouillent entre elles. Cette synchronisation sera plus délicate pour les verticaux qui peuvent vouloir utiliser des structures de trame bien différentes pour répondre à leurs besoins (par exemple plus de communication dans le sens montant).

Il sera aussi nécessaire d’examiner soigneusement la question de la protection des radioaltimètres embarqués à bord des aéronefs, sujet qui reste sous surveillance aux Etats-Unis et en Europe. D’un côté, la faible puissance des émetteurs rendra plus facile cette protection ; de l’autre, l’utilisation de fréquences plus proches de celles des radioaltimètres nécessitera des mesures spécifiques, même après le « rétrofit » des radioaltimètres les moins bien filtrés.

La France contribue aux travaux européens à ces études, qui devront aboutir en 2024, après des discussions sans doute difficiles, à un équilibre respectant l’usage de cette bande sur le long terme pour les stations terriennes et pour les usages locaux pour la 5G pour les verticaux.

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[1] Gestion de différentes qualités de service sur un même lien radio (découper virtuellement le réseau sur une même infrastructure)

[2] 5g-ppp.eu/verticals/