L’OTAN, un acteur de la gestion du spectre en Europe

24 juillet 2020

Dans le contexte international actuel, l’OTAN, qui dispose de capacités politique de prévention des conflits et militaire pour des opérations de gestion de crise, contribue depuis sa création à la stabilité de notre continent et permet de projeter des forces dans des opérations extérieures lorsque cela est nécessaire. Cette organisation sous-entend une coopération étroite entre les 30 pays membres et les 20 pays partenaires pour doter l’Alliance des moyens et capacités adaptés à ses ambitions. Cette coopération est réalisée au sein d’une instance interarmées interalliés, le C3Board où siègent les représentants nationaux.

Dans le domaine des fréquences, une structure interne ad hoc (CAP3 fréquences subordonné au C3B) rassemble des représentants militaires et civils afin de contribuer à la définition des orientations politiques de l’Alliance en traitant les questions de gestion du spectre qui en découlent. La coopération active de l’affectataire Ministère des Armées, investi dans les structures militaires, et de l’ANFR, représentant la composante civile au nom de l’ensemble des affectataires, permettent d’y promouvoir les intérêts français. 

Le CAP 3 est la seule structure de l’OTAN qui se réunit en structure civilo-militaire et militaire

Les réaménagements des dernières années ont imposé la réorganisation des utilisations de certaines bandes de fréquences (l’OTAN a ainsi réorganisé des usages dans la bande UHF (225-400 MHz) dont la gestion est déléguée par les nations à la structure permanente fréquences de l’Alliance ou la migration d’applications vers d’autres bandes « refuges ». Les fréquences exploitées pour des usages de la défense sont régulièrement mises sous tension dans le cadre de travaux pour répondre aux nouvelles demandes d’accès aux fréquences liées à l’essor des usages radio. Ce secteur lui-même est également confronté à la dynamique sectorielle stimulée par les développements technologiques et les nouveaux besoins. 

Une contribution à la table européenne des fréquences (table ECA)

Afin de faciliter un déploiement coordonné des moyens radios au bénéfice de l’Alliance, les nations membres se sont accordées sur les bandes de fréquences dont l’usage est harmonisé. Il couvre l’ensemble du spectre radioélectrique, les différentes composantes  (maritime, terrestre, aéronautique, spatiale) et toutes les applications (radars, systèmes de communication, d’observation, d’armes, de commandement et contrôle, etc). Dans une logique de contribution active à la gestion du spectre, une version simplifiée a alimenté la table européenne des usages fréquences (table ECA). Cela permet à ce secteur de bénéficier d’une meilleure visibilité et légitimité dans les débats associés à la planification des fréquences.  Cet accord devra être revu, comme les tables nationales des fréquences, pour y insérer les évolutions du cadre international des fréquences (Règlement des Radiocommunications) révisé lors de la dernière CMR (CMR 19). 

La préparation d’une position de l’Alliance pour la CMR-23

Compte tenu des usages et de la nécessaire projection à long terme de la planification des fréquences de ce secteur, les perspectives d’évolution du cadre international s’analysent en opportunités et menaces. Le CAP 3 prépare ainsi la position de l’Alliance pour chaque point d’ordre du jour d’une conférence mondiale des radiocommunications (CMR) analysant dans un premier temps ceux pour lesquels une position doit être établie. En fonction de l’évolution de la négociation au cours du cycle de préparation, une position peut être précisée sur un point à priori de moindre intérêt. L’Affectataire Défense (Ministère des Armées) et l’ANFR, qui défend la position française dans la préparation de la prochaine conférence (CMR-23), coopèrent étroitement dans ce contexte afin que les positions de l’Alliance et celles que la France  défendra à la conférence soient cohérentes. Ce processus impose également à l’OTAN de participer à la préparation européenne de la CMR-23 mise en place par la conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT). Cela permet aux représentants de l’OTAN de sensibiliser, en amont, les administrations aux enjeux pour l’Alliance mais également de déceler les dynamiques de négociation qui s’y développent. Le CAP 3 se réunira en octobre pour lancer ses travaux de préparation de la CMR-23 avec un léger retard dû à la pandémie COVID 19.           

L’utilisation des fréquences en partage

Le secteur Défense est un acteur familier d’une utilisation des fréquences en partage avec des applications de même nature (par exemple, les radars ou les faisceaux hertziens), des systèmes opérant sur des zones géographiques bien identifiées (par exemple : le GSM-R) ou des applications de faible puissance aux caractéristiques d’utilisation bien identifiées. L’harmonisation européenne permet de doter l’Alliance d’éléments de visibilité structurants pour les usages à long terme. Le partage des fréquences s’intensifiant, le CAP3 facilite le partage d’expérience entre les Nations. Le spectre des fréquences restant une ressource relevant de la souveraineté nationale, certaines nations peuvent prendre des décisions en conflit avec les règles harmonisées mises en place par l’Alliance. Le CAP 3 doit alors mettre en évidence la solution qui permet de préserver à long terme l’utilisation des fréquences dans la bande de fréquences harmonisée par l’OTAN et solliciter une ressource alternative dans les pays où elle n’est plus exploitable. Ces débats sont transposés indirectement dans les travaux CEPT où les mécanismes de partage à mettre en place doivent répondre aux besoins des différents utilisateurs de fréquences.            

La composante civilo-militaire du CAP 3 fréquences peut alors jouer un rôle décisif pour orienter la solution à mettre en place dans un nombre restreint de pays en préservant les usages dans le cadre de l’Alliance (cas de la bande 5,7 GHz actuellement à l’étude à la CEPT pour des usages RLAN) ou, écarter toute harmonisation européenne lorsqu’aucun partage n’est acceptable sauf à remettre en cause les capacités de l’Alliance (cas des microphones sans fil par exemple dans la bande 960 MHz)     

Les résultats du CAP 3 fréquences contribuent au processus de décision du C3 Board qui couvre également les questions de cyber défense, de systèmes d’information et de communication et d’identification et de navigation. 

L’Agence européenne de Défense se focalise principalement  sur le développement des capacités de défense, la coopération en matière d'armement, le marché des équipements de défense, ainsi que la recherche et technologie. L’OTAN bénéficie, quant à elle, d’une reconnaissance sectorielle qui s’illustre en particulier par une participation active dans le cadre des ateliers civilo-militaires co-organisés tous les 18 mois avec la CEPT et aux enceintes majeures de gestion du spectre européenne (CEPT) pour l’harmonisation européenne ou pour la préparation de la conférence mondiale.