L’impact du Brexit sur la gestion des fréquences en Europe

31 mars 2020

Le Royaume-Uni, qui a quitté l’Union Européenne le 31 janvier 2020, négocie actuellement un nouvel accord de coopération avec l’UE. Sur la base de l’accord de retrait entré en vigueur le 1er février, le Royaume-Uni doit continuer à respecter l’acquis communautaire européen : directives, règlements, décisions. En revanche, il s’est retiré du processus de décision communautaire, et des négociations sont en cours pour dessiner le nouvel accord de coopération.

Quels sont d’ores et déjà les impacts du Brexit dans le domaine des fréquences ?

La première conséquence du Brexit est que le Royaume-Uni ne participe plus au <link international negociations principales-instances rspg>groupe européen de politique du spectre (RSPG) ni au <link international negociations principales-instances rscom>comité spectre radioélectrique (RSCOM). Mais il reste bien présent à la <link international negociations principales-instances cept>Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications (CEPT).      

La politique du spectre européenne : un acteur majeur s’efface

Le Code européen, adopté fin 2018, renforce le rôle de la politique du spectre et du RSPG, instance qui conseille la Commission mais également le Conseil et le Parlement européen. Le Royaume-Uni avait soutenu cette inflexion, et il est donc paradoxal de le voir quitter le RSPG. Il ne pourra plus utiliser ce levier d’influence sur de nombreux sujets qu’il a largement contribué à faire émerger : solutions innovantes pour le partage du spectre, extension des fréquences pour le très haut débit mobile ou nouveau plan pluriannuel de politique du spectre. Le Royaume-Uni, force d’impulsion au sein du RSPG, était très à l’écoute des théories économiques sur la gestion des fréquences et attentif aux orientations prises par les États-Unis. Les débats s’organisent désormais sans le point de vue de de grand pays, qui, tour à tour contradicteur ou allié de la France selon les sujets, défendait toujours ses positions avec enthousiasme.

L’harmonisation obligatoire : un nouvel équilibre des forces  

Afin de conforter le marché unique, l’Union européenne définit, via des actes d’exécution, des conditions harmonisées pour la mise en œuvre d’applications généralement grand public, dans certaines bandes de fréquences. Le Royaume-Uni doit, jusqu’à la fin de l’année, continuer à appliquer ces conditions. Compte tenu de l’importance du marché unique dans le domaine des communications électroniques, il est vraisemblable que le Royaume-Uni ne puisse pas s’en affranchir par la suite, mais sans plus pouvoir influer sur ces décisions.  

Or, avant d’adopter ces textes, la Commission doit obtenir un avis favorable des États membres à la majorité qualifiée : 55% des États membres et 65% des votes pondérés par la population. Le retrait du Royaume-Uni change d’ores et déjà l’équilibre des votes, au bénéfice des pays les plus peuplés, dont la France fait partie, notamment lorsqu’il s’agit de constituer une minorité de blocage. Dans le cas des votes à la majorité simple (adoption des mandats de la Commission européenne à la CEPT),  le Brexit n’aura en revanche qu’un faible impact.     

L’harmonisation volontaire : le Royaume-Uni reste un acteur incontournable

La coopération volontaire pour l’harmonisation des fréquences en Europe a été mise en place dès le début des années 1950 par la création de la CEPT. Cette organisation couvre aujourd’hui l’ensemble du continent, de l’Islande à la Fédération de Russie et a trouvé sa place au cœur de l’harmonisation européenne du spectre. Le Brexit n’a bien sûr aucun impact sur cette coopération entre États européens.

Le rôle de la CEPT reste essentiel en matière d’harmonisation communautaire. En effet, la Commission garde l’obligation de s’appuyer sur la CEPT, à travers des mandats d’harmonisation, pour développer les conditions techniques pour les bandes de fréquences qu’elle désire harmoniser.

L’intérêt du Royaume-Uni pour la CEPT s’est donc récemment accru : cet organisme lui permettra en effet de poursuivre une coopération volontaire en matière d’harmonisation des fréquences mais aussi de conserver une capacité d’influence dans l’harmonisation communautaire, à travers les réponses de la CEPT aux mandats de la Commission. Le Royaume-Uni a d’ailleurs pris, dès 2019, la présidence de l’instance décisionnelle de la CEPT dans le domaine des fréquences, l’ECC, et occupe de nombreuses présidences de groupes, démontrant ainsi sa volonté de rester incontournable dans l’Europe des fréquences.

Le futur accord de coopération en cours de négociation entre Bruxelles et Londres précisera la façon dont le Royaume-Uni devra respecter ou pourra au contraire s’affranchir des règles d’harmonisation des fréquences. Si, comme les pays de l’Espace Economique Européen (Norvège, Islande, Liechtenstein), il choisit d’en appliquer toutes les règles, il aura la possibilité de garder un rôle d’observateur dans les groupes d’experts ou les comités. En revanche, si opte pour une application au cas par cas dans le cadre de traités bilatéraux, comme cela se passe aujourd’hui pour le quatrième pays de l’Association Européenne de Libre-Echange, la Suisse, il ne pourra participer à ces groupes ou comités.