L'harmonisation européenne pour les radiocommunications ferroviaires prépare l'avenir

17 novembre 2021

Le système de radiocommunications actuellement utilisé dans le domaine ferroviaire, le GSM-R, déclinaison du système mobile 2G, a bénéficié jusqu’à présent d’une harmonisation européenne de 2x4 MHz dans la bande 900 MHz,  qui lui a permis de se déployer à travers toute l’Europe. Plus de 16 000 kms de voies ont ainsi été progressivement équipés en France. Les déploiements ont révélé des difficultés de coexistence avec les réseaux mobiles commerciaux qui exploitent des bandes de fréquences adjacentes. Pour les résoudre ont été mises en œuvre des mesures correctives au sein des équipements embarqués dans les trains ainsi qu’une procédure permettant de prévenir les brouillages du GSM-R par un réseau mobile et d’intervenir rapidement lorsqu’ils surviennent.

L’obsolescence du GSM-R et l’émergence de nouvelles applications (train automatique, pilotage à distance d’un train, capteurs…) ont mis en évidence, au milieu de la précédente décennie, de nouveaux besoins en fréquences. Soutenus par une harmonisation européenne obligatoire, ils permettront au secteur de faire migrer le système historique vers la nouvelle génération et d’accompagner l’essor de nouveaux usages. Les acteurs ferroviaires sont en effet investis depuis plusieurs années dans un ambitieux projet, le « futur système de communications mobiles ferroviaires » (FRMCS), porté par l’Union Internationale des Chemins de fer.

L’adoption par la Commission européenne, le 28 septembre 2021, de la Décision (UE) 2021/1730 fixant les conditions d’utilisation des fréquences 874.4-880 MHz / 919.4-925 MHz et 1900-1910 MHz répond à cette attente et marque un jalon structurant du projet FRMCS.

Ces travaux d’harmonisation présentaient plusieurs enjeux pour le monde ferroviaire :  par exemple, la possibilité de réutiliser des sites radio GSM-R existants afin de réduire les investissements pour la future génération, de déployer sans avoir à se coordonner avec les réseaux mobiles, ou encore d’entériner le caractère critique des communications ferroviaires[1]… Tout au long de ces années, l’ANFR a activement contribué à ces travaux européens au sein de la CEPT et du RSCOM.

Par ailleurs, la bande 900 MHz, très convoitée en raison de ses caractéristiques de propagation et de pénétration, a requis des arbitrages lors des travaux d’harmonisation européens pour répondre à l’ensemble des besoins et pour élaborer des conditions de coexistence entre applications. En effet, outre le secteur ferroviaire, le Ministère des Armées et l’Internet des objets sont aussi présents en bande 900 MHz.

Ces dispositions harmonisées réunissent, sous le vocable radio mobile ferroviaire (RMR), le GSM-R et le futur système (FRMCS) dans ses composantes large-bande (5G) et bande-étroite (NB-IoT). Elles définissent les conditions d’utilisation obligatoires des fréquences par ces systèmes. Le secteur va ainsi bénéficier d’un supplément de 2 x 1,6 MHz dans la bande 900 MHz et de la bande 1900-1910 MHz comme complément.

Tous les pays de l’Union européenne n’ont cependant pas les mêmes besoins en fréquences et, au sein d’un même pays, les lignes ferroviaires diffèrent également. Ainsi le corridor de la Baltique, qui s’étend de la Finlande au Bénélux via les pays baltes, la Pologne et l’Allemagne, profitera-t-il probablement du nouveau système FRMCS sans déploiement préalable du GSM-R. Ce cadre réglementaire obligatoire fixe un calendrier très court de mise à disposition des fréquences additionnelles de 2 x 1,6 MHz afin de répondre aux besoins les plus urgents de certains pays. La bande complémentaire, qui doit être mise à disposition au plus tard en 2025, sera exploitée pour permettre dans un premier temps l’exploitation en parallèle du GSM-R et de son successeur, puis l’essor des nouvelles applications. Néanmoins, certains pays, comme le Danemark, étudient la possibilité de s’appuyer sur des réseaux mobiles commerciaux pour le futur système de communications ferroviaires. Une telle orientation risque de se heurter à la criticité des communications et aux spécificités du secteur ferroviaire, même si l’agence européenne des chemins de fer (ERA) a ouvert le dossier.

Tirant parti des enseignements du GSM-R, les conditions d’utilisation des fréquences par le FRMCS s’affranchissent des mesures de coordination. Conformément aux conclusions des études de la CEPT, elles font l’hypothèse que les stations de base des réseaux mobiles commerciaux à proximité des stations de base ferroviaires auront une sélectivité améliorée lorsque les déploiements FRMCS commenceront. Par ailleurs, pour la première fois, la Commission impose des conditions techniques aux récepteurs large-bande des équipements radio embarqués dans les trains (appelés « cab-radio ») et des stations de base RMR. Elles devront être reprises dans les futures normes en cours de rédaction à l’ETSI.

Si cette Décision marque une étape importante du projet FRMCS, elle ne met pas fin aux travaux dans le domaine des fréquences. Des activités sont engagées à la CEPT afin d’apporter de la visibilité sur les conditions de coordination aux frontières, avec une attention particulière portée à la bande 1900-1910 MHz dans laquelle le TDD impose une synchronisation entre réseaux voisins, à l’image de la 5G dans la bande 3,5 GHz. L’ANFR, afin de donner la base juridique pour les futures autorisations délivrées par l’Arcep, va également référencer cette nouvelle Décision européenne dans le tableau national de répartition des bandes de fréquences (TNRBF) : tout d’abord dans la bande 900 MHz, celle-ci ayant déjà été réorganisée lors de le mise en œuvre de la Décision (UE) 2018/1538 (IoT, RFID, AFP) qui imposait de réserver les 2 x 1,6 MHz pour le ferroviaire ; puis, dans un second temps, dans la bande 1900-1910 MHz.


[1] Si le cab-radio subit un brouillage, les règles de circulation imposent l’arrêt du train.