Les enquêtes de l’ANFR - La clé qui rendait invisible mais qui a ébloui les gardiens du spectre !

Enquêtes de l’ANFR 23 juillet 2021

Mieux vaut prévenir que guérir, telle est la devise du Service Régional d’Aix-Marseille de l’ANFR ! Les plaintes pour brouillage de la géolocalisation sont encore peu répandues, mais, hélas, ces incivilités sont devenues fréquentes. Nos agents ont donc pris l’habitude, lors de leurs déplacements en véhicule laboratoire, de surveiller les fréquences dédiées à la radionavigation par satellite (GNSS) en roulant dans le secteur de l’aéroport de Marignane, où le GPS est utilisé pour les phases d’approche et de décollage des avions. Par le passé, nos agents ont en effet eu à résoudre de plusieurs cas de brouillage dans la zone, perturbant les services de l’aviation civile.

Lors d’un de ces contrôles au printemps 2021, deux agents de l’ANFR relevèrent  un signal suspect dans la bande de fréquences GNSS alors qu’ils revenaient d’une autre mission et passaient à proximité de l’aéroport. Surprise…  Le relevé spectral qui s’affichait sur l’analyseur présentait toutes les caractéristiques d’un brouilleur GPS.

Relevés du signal brouilleur GNSS effectués par les agents de l’ANFR

Cette enquête est devenue rapidement prioritaire : il n’y avait pas une minute à perdre, ce type de brouilleur peut en effet, même s’il est peu puissant, affecter des avions volant jusqu’à 2 000 m d’altitude, donc en pleine phase critique de décollage ou d’atterrissage !

Grâce à leur matériel de pointe, nos agents identifièrent bientôt le véhicule hébergeant le fameux brouilleur GPS : il s’agissait d’un véhicule professionnel dont le conducteur souhaitait sans doute disparaître des radars de sa société ! L’ANFR alerta sans attendre les forces de l’ordre et un officier de police judiciaire pour mettre fin à l’infraction. Une opération en flagrance fut donc organisée conjointement entre la Police et l’ANFR. Hélas, ce premier essai échoua : le conducteur avait décidé au dernier moment de changer de véhicule pour effectuer son déplacement ! Sans baisser les bras, une deuxième tentative fut organisée le 1er juillet 2021 … cette fois-ci fructueuse puisque l’individu fut surpris en flagrant délit. Pour cette opération, l’ANFR était équipée d’appareils de mesure adaptés qui lui permirent de constater l’infraction.

La Police procéda alors à l’interpellation du chauffeur du véhicule et découvrit que le brouilleur GPS n’était autre… qu’une simple clé USB, d’apparence totalement inoffensive ! Pourtant, malgré sa petite taille, ce brouilleur perturbait une large zone autour du véhicule dans lequel il était installé, ce qui avait permis à l’ANFR de le détecter à bonne distance.

Son propriétaire pensait avoir trouvé la clé de l’invisibilité ; sur la carte de son patron, il avait bel et bien disparu ; mais aux yeux de l’ANFR, il était soudain devenu… éblouissant ! Il a été mis en garde à vue et devra répondre de ses actes devant la Justice.

Brouilleur GPS découvert dans le véhicule professionnel

Pour en savoir plus

Le GNSS désigne les systèmes de radionavigation par satellites tels que le GPS, Galileo, Glonass ou Beidu. La possession et l’utilisation de brouilleurs du GNSS est strictement interdite en France en dehors de quelques usages gouvernementaux encadrés. La possession et l’utilisation d’un brouilleur GNSS sont des délits passibles de 6 mois de prison et 30 000 euros d’amende. A noter que cette interdiction s’applique plus généralement à tout brouilleur d’ondes, que ce soit pour brouiller le WiFi, la téléphonie mobile et le GPS.  

S’ajoute une taxe forfaitaire de 450 euros appliquée par l’ANFR pour frais d’intervention.

Un brouilleur du GNSS affecte la bonne réception des signaux comme le GPS ou Galileo  sur une zone plus ou moins large. Or, les signaux GNSS véhiculent des informations essentielles de géolocalisation et de synchronisation.  L’altération de la réception de ces signaux peut affecter le bon fonctionnement de très nombreux services tels que les transports terrestres, aériens, fluviaux ou maritimes, les réseaux de communications mobiles et de radiodiffusion, les réseaux de transports d’électricité, les services de secours aux victimes, l’agriculture de précision, les objets connectés pour n’en citer que quelques-uns.

Par ailleurs, contrairement à ce que pensent souvent ceux qui les utilisent, par exemple pour déjouer leur suivi par balises GPS, la carrosserie ne confine pas l’effet d’un brouilleur de GPS à l’habitacle du véhicule. Le rayon d’action de ces appareils est beaucoup plus important : un brouilleur GNSS de faible puissance peut perturber tous les services qui utilisent le GPS à plusieurs centaines de mètres alentour sur le plan horizontal et plusieurs milliers de mètres en altitude !

Afin de sensibiliser les acteurs concernés aux risques de ces brouilleurs et rappeler la réglementation qui interdit strictement la détention et l’utilisation de ces dispositifs, l’ANFR a édité une brochure pédagogique.

Par ailleurs, en 2019, l’ANFR avait sensibilisé par mailing plusieurs dizaines de milliers d’entreprises qui géolocalisent leur flotte de véhicules aux risques posés par les brouilleurs GNSS et leur intérêt à rappeler au personnel de leur entreprise la législation en vigueur. En effet, dans une entreprise qui utilise la géolocalisation pour gérer sa flotte de véhicules, il peut arriver que des brouilleurs GPS soient employés à l’insu du dirigeant.  La disparition inexpliquée de la géolocalisation de certains de ses véhicules alors qu’ils circulent a priori en surface peut cependant constituer un indice d’utilisation d’un brouilleur.