Internet des objets par satellite : un engouement pour des petites constellations bas débit

30 avril 2020

Les constellations de milliers de satellites destinées à fournir un service Internet haut-débit, comme Starlink de SpaceX, font l’actualité. Mais on assiste aussi à un véritable engouement pour des constellations de télécommunication bas-débit. Quoique  limitées à quelques dizaines de satellites, elles visent les applications mondiales de l’Internet des objets (IoT) en complément des réseaux terrestres. On compte déjà pas moins de 6 projets de constellations ciblant le marché européen (Orbcomm, Kineis, Hiber, Myriota, Fleet Space, Swarm) et de nouveaux projets apparaissent tous les mois aux quatre coins du monde. Ils utilisent des petits satellites (cubesat) de quelques litres et exploitent une ressource en spectre relativement limitée dans les bandes 137-138 MHz, 148-150,5MHz, 399,9-401 MHz  et autour de 868 MHz. Plusieurs de ces bandes ont été discutées lors de la <link toutes-les-actualites actualites cmr-19-clap-de-fin>Conférence mondiale des radiocommunications (CMR-19).

Dès que l’on s’écarte des zones couvertes par la téléphonie mobile, ces constellations peuvent maintenir la connectivité, y compris au-dessus des océans. Elles offrent différents services peu coûteux à qui veut gérer ou surveiller les mouvements dans le monde, qu’il s’agisse de ceux de poids-lourds, de navires ou de conteneurs, mais aussi d’animaux (élevage extensif) voire de sportifs au long cours (treks ou régates). Elles permettent de nombreuses autres applications comme le relevé de compteurs ou la remontée centralisée d’alarmes anti-intrusion dans des véhicules ou des navires au mouillage. Les satellites peuvent en effet collecter instantanément des milliers de capteurs sur de grands espaces.

Les défis technologiques

Les sociétés qui portent ces projets sont confrontés à des défis technologiques. En effet, la quantité de spectre disponible reste limitée à quelques MHz en bande VHF et UHF. Or, dans ces bandes se trouvent déjà d’autres services, qu’il s’agisse de réseaux mobiles professionnels, de systèmes de la Défense ou d’autres applications spatiales, comme la télécommande des satellites dans les bandes 400 MHz. Ces satellites sont donc contraints de fonctionner dans un environnement fortement bruité, et cette situation suscite des techniques innovantes de partage du spectre. Pour rendre le service résilient, il faut s’appuyer sur des terminaux dont certains intègrent une triple connectivité qui recourt aux réseaux de communications terrestres dès qu’ils sont à portée ou à ce qui permet localement (WiFi, Bluetooth,…) de remonter les alertes des capteurs. Les terminaux s’apparentent ainsi à de petites balises de communication, à faible coût et dont l’autonomie est un facteur clé.

L'ANFR, le cadre réglementaire CEPT et l’accès au marché européen

L’ANFR accompagne les intérêts français dans l’Internet des objets par satellites, sur les aspects réglementaires. Au sein de la CEPT, l’Agence a piloté et produit, avec le concours d’Airbus Defense and Space et du CNES, le rapport ECC 305 « M2M/IoT via satellite » publié en février 2020. Ce rapport traite des sujets suivants :

  • Il établit l’état de l’art des utilisations et des besoins en Internet des objets par satellites ;
  • Il décrit pour chaque type d’architecture de communication satellite les points de réglementation à exploiter ou à améliorer ;
  • Il conclut à la nécessité de mettre à jour la Décision ECC (99)06 pour aider les constellations d’IoT par satellites à déployer leurs balises dans les pays de la CEPT, dans un régime d’exemption de licence individuelle. En effet, celle-ci ne profite qu’à la constellation satellitaire américaine d’Orbcomm, les autres projets des années 2000 n’ayant pas abouti.


Depuis mai 2019, 5 nouveaux projets de constellations IoT par satellite se sont porté candidats pour intégrer cette décision ECC :

  • le projet néerlandais HIBER : 70 satellites dont 2 déjà en orbite ;
  • le projet français Argos/Kineis : environ 25 satellites dont 8 déjà en exploitation ;
  • le projet américain SWARM : 150 pico-satellites ;
  • le projet australien Myriota : 26 satellites ;
  • et le projet australien Fleet Space : 104 satellites.


Toujours au sein de la CEPT, l’ANFR conduit des études techniques qui permettront de définir les contraintes opérationnelles pour assurer la compatibilité de ces projets avec les utilisations de fréquences. Ces résultats préciseront si les balises utilisées  présentent bien les garanties nécessaires pour être exemptées de licence individuelle lors d’un déploiement sur le marché européen.

Ces travaux ont accompagné le projet français Argos/Kineis mené en partenariat avec  Kineis, le CNES et Thales Alenia Space. Ils ont aussi permis la poursuite de l’exploitation du système scientifique Argos tout en le complétant de nouvelles fonctionnalités dans un système Kineis plus global, capable de localiser et collecter toutes sortes de données par satellites dans le monde avec une hybridation de solutions terrestres/spatiales.  L’ANFR déposé auprès de l’Union internationale des télécommunications (UIT) les déclarations de fréquences de ces projets et a contribué à leur coordination avec des projets concurrents. Au sein de la CEPT, l’ANFR soutient actuellement Kineis en démontrant, par ses études techniques, qu’elle  pourra être exemptée de licence individuelle dans les pays de la CEPT.

L’autre projet français, ELO, est conduit par le partenariat Eutelsat/Sigfox. Cette constellation de 25 nano-satellites envisage d’offrir une couverture mondiale à des objets connectés qui s’appuieront sur la complémentarité entre réseaux terrestres et satellitaires en fonction de leur localisation. https://www.eutelsat.com/fr/satellites/flotte-leo.html L’ANFR assiste le projet dans ses choix pour la déclaration de ses fréquences auprès de l’UIT.