Drones professionnels sur réseaux mobiles : quel cadre réglementaire des fréquences pour ces applications innovantes ?

30 avril 2020

De nombreuses applications de drones professionnels imposent aujourd’hui des usages au-delà de la ligne de vue. C’est par exemple le cas pour les drones dits « de grande élongation », utiles dans les industries de réseaux : électricité, télécoms, chemins de fer, exploitation pétrolière etc. Les réseaux mobiles présentent dans ce contexte un grand intérêt pour exploiter ces drones : leur couverture, étendue par l’itinérance internationale, leur offre de larges zones d’évolution, et leur technologie standardisée permet des économies d’échelle. 

Au-delà des questions de sécurité et de sûreté qui relèvent du cadre national « drones » mis en place par l’Aviation civile et le ministère de l’Intérieur, ces usages inédits des réseaux mobiles dans la dimension verticale soulèvent de nouvelles questions en matière d’utilisation des fréquences. Existe-t-il des bandes de fréquences mieux adaptées que d’autres ? Quel est l’impact des communications avec les drones  sur la capacité du réseau, mais aussi des réseaux utilisant les blocs adjacents ? Quel est l’effet de ces échanges avec des « terminaux volants » sur les autres usages (réception TV, radioastronomie, radars), y compris dans les bandes adjacentes ? Et quels sont les enjeux lors d’une utilisation de drones proches des frontières ?

Les acteurs industriels (équipementiers et opérateurs) impliqués dans la normalisation des systèmes mobiles ont intégré dans leurs travaux (3GPP) les possibilités d’utilisation de drones sur des réseaux mobiles. Un drone ne peut certes être réduit à un téléphone volant – même si, de fait, de nombreux composants radio sont identiques.  Des mécanismes d’identification, d’interaction du drone avec le réseau, de localisation de la position sont spécifiques au drone. Les études normatives ont également révélé que si moins de 33 % des terminaux actifs dans une cellule d’opérateur mobile étaient des drones volant à une altitude inférieure à 300 mètres, l’impact sur le réseau et les réseaux en blocs adjacents resterait limité.

Afin de mieux cerner les enjeux de gestion du spectre, des études complémentaires ont été menées à la CEPT avec des drones atteignant jusqu’à 10 000 mètres d’altitude (rapport ECC 309). Les scénarios d’usages pour les drones apparaissent similaires, au niveau des risques de brouillage, à ceux d’un équipement radio embarqué dans un hélicoptère. Compte tenu du caractère encore émergent de ce marché et des contraintes de couverture, seule la technologie 4G (LTE) a été étudiée. Par ailleurs, dans les différentes bandes de fréquences analysées (à l’exception de la bande 3,5 GHz), seules des configurations à antennes passives ont été prises en compte. .

Les conclusions des études sur les conditions d’utilisation des drones dans les bandes de fréquences 700 MHz, 800 MHz, 900 MHz, 1800 MHz, 2 GHz, 2,6 GHz et 3,5 GHz ouvrent des perspectives prometteuses pour ce type d’applications. Les contraintes restent en effet modérées et liées à la protection de certains usages en bande adjacente :

  • Dans la bande 700 MHz, les drones devront voler à plus de 30 mètres du sol afin d’éviter un brouillage des récepteurs de radiodiffusion.
  • Pour protéger les sites de radioastronomie (Nançay, par exemple), une zone d’exclusion devra instaurée au niveau national, en fonction des contraintes déjà imposées aux réseaux mobiles opérant dans la bande 2,6 GHz. Cette question reste un point sensible. Le réseau mobile devra interagir avec les drones pour garantir le respect de la zone d’exclusion. Le mécanisme doit s’appuyer sur l’identification du terminal en tant que drone et sur des mécanismes dont la normalisation demandera du temps. Au début, les gestionnaires du spectre devront avoir connaissance des différentes zones d’exclusion en vigueur dans chaque pays afin de relayer cette exigence vers les différents utilisateurs, à l’instar des zones d’exclusion mise en place par le cadre national de l’Aviation civile.     
  • Des contraintes en émission hors bande devront être imposées aux drones dans la bande 1 675 - 1 715 MHz pour protéger la réception des données des satellites de météorologie.
  • Enfin, des conditions nationales devront être établies afin de protéger les stations terriennes dans les bandes 3,4-4,2 GHz.


Les études ont donc montré que suffisamment de fréquences seraient exploitables pour les communications avec les drones à grande élongation y compris en itinérance.  Ces travaux vont permettre de définir des conditions harmonisées d’utilisation de ces drones en Europe. Chaque gestionnaire de fréquences mettra alors en place des règles nationales  puis des cadres d’autorisations. Ces règles respecteront évidemment le cadre national établi par l’Aviation civile et le ministère de l’Intérieur.  

Certaines bandes de fréquences mobiles ont toutefois été écartées : la bande 2,3-2,4 GHz, qui n’est pas utilisée dans la plupart des européens pour des usages mobiles commerciaux, et la bande 26 GHz, qui n’offrira que des zones de couverture réduites et des communications limitées au sens descendant pour les drones. Cette dernière bande devra faire l’objet d’études ultérieures, tout comme l’usage des antennes actives qui sont désormais envisagées pour les bandes de fréquences au-dessus de 1 800 MHz.   

Ces analyses ont aussi révélé que la coordination aux frontières doit être traitée avec attention. L’évaluation du risque de brouillages du fait de l’utilisation d’un drone sur un réseau mobile d’un pays voisin s’est en effet révélée complexe. Ce sujet pourrait amener à devoir amender les accords aux frontières.