« Et pourtant, elle tourne »... mais pas toujours à la même vitesse !

21 décembre 2021

La terre tourne, nous le savons depuis Galilée. Mais sa vitesse de rotation a varié au cours du temps. Nous avons ainsi recueilli des preuves archéologiques qui prouvent que la vitesse de rotation de la Terre décroît depuis plus de quatre mille ans, allongeant ainsi la durée du jour.  

Notre planète effectue aujourd’hui une rotation complète sur elle-même en près de 86 164,1 secondes, soit 23 heures 56 minutes et 4,1 secondes environ. Cette période, appelée le jour sidéral, est directement déduite de la vitesse nominale moyenne de rotation terrestre, 7.292 115 × 10−5 rad s−1. En règle générale, la référence est davantage le jour solaire moyen, qui représente une durée de 86 400 secondes, pour exprimer les variations de la vitesse de rotation terrestre. Ces durées sont différentes, car la Terre tourne aussi autour du Soleil : si nous prenons le Soleil comme repère, lorsque la Terre a fait exactement un tour, il ne nous apparaît plus exactement à la même place dans le ciel, mais un peu décalé puisque la Terre a entre-temps avancé sur son orbite. Il ne reprendra la même place dans le ciel que quelques instants plus tard, ce qui fait que le jour solaire dure quelques minutes de plus que le jour sidéral. 

En 2007, des études[1] ont montré que la durée du jour solaire est stable, avec une variation à longue période quasi linéaire de +1.8ms par siècle. 

Figure 1 - Longueur du jour rapportée à 86400 s depuis 2000 ans avant Jésus Christ (crédit Observatoire de Paris/SYRTE : https://syrte.obspm.fr/~lambert/rotation/index.html#ind12

 

De nombreux processus géophysiques impactent la vitesse de rotation de la Terre à long terme et notamment :

  1. sa propre structure élastico-visqueuse (rappelons que si la croûte terrestre  est solide, les différentes couches qui constituent la Terre sont alternativement solides – noyau interne et manteau inférieur - et liquides ou visqueuses - noyau externe et manteau supérieur) et ces différentes couches présentent des densités bien différentes ;
  2. la Lune et ses effets gravitationnels sur la Terre (la Lune a une rotation elliptique autour de la Terre, son attraction n’est donc pas constante et varie selon sa position) ; 
  3. les mouvements des fluides ou solides en superficie de son sol (les océans, l’atmosphère, les glaciers) ;
  4. les effets des vastes courants saisonniers qui la parcourent, par exemple, El Niño - ce phénomène a d’ailleurs ralenti la vitesse de rotation de la Terre  à plusieurs reprises, en allongeant par la même occasion la longueur du jour ; 
  5. enfin, les rebonds post glaciaires qui sont liés à la fonte des calottes glaciaires et qui ont pour conséquence d’élever les niveaux de certaines masses terrestres (préalablement comprimées par la charge glaciale) et d’affaisser d’autres régions, du fait du remplissage des bassins océaniques consécutif à cette fonte.


Selon les variations considérées (séculaires, décennales ou inter-annuelles), les processus mis en jeu ne sont pas les mêmes. Dans le cas du ralentissement séculaire, observable sur la figure 1 (et donc l’allongement de la durée du jour), la science tend à considérer davantage les effets liés à la dissipation par « friction » associée aux marées (donc directement liés à l’influence de la Lune), ainsi qu’au rebond glaciaire dont les effets sont normalement opposés. A ce ralentissement général, des fluctuations décennales sont observables (de quelques millisecondes d’amplitude) causées essentiellement par des couplages entre noyau et manteau. Pour comprendre ce couplage, il convient de modéliser la Terre comme un système à trois enveloppes en distinguant les mouvements de rotation affectant le manteau (et la croûte, qui lui est solidaire) de ceux propres au noyau externe (liquide) ou interne (solide). La circulation atmosphérique, quant à elle, a plutôt tendance à engendrer des variations interannuelles ou saisonnières de quelques millisecondes, mais n’a quasi pas d’influence sur les variations décennales ou séculaires. 

S’il existe une tendance globale aux ralentissements sur le long terme, il convient toutefois de rappeler que sur des échelles plus courtes, la vitesse de rotation de notre planète se révèle particulièrement fluctuante comme le montre la figure 2. Sur la base actuelle d’un jour solaire moyen, il n’est pas rare depuis 1980 de trouver des périodes durant lesquelles notre planète a accéléré sa rotation. Ce fut le cas récemment, notamment autour de 2005 et  plus récemment en 2020 et 2021. D’ailleurs, aucune seconde intercalaire n’a été insérée dans l’UTC entre 1999 et 2014 et aucune depuis 2016, alors que, entre 1980 et 1998, ce sont au total treize secondes avaient été ajoutées.  

L’accélération actuelle de la rotation de notre planète n’a, à ce jour, pas d’explication définitive. Mais si elle devait perdurer, il ne serait pas impossible qu’une seconde intercalaire soit retranchée au TAI (temps atomique) – si toutefois l’UIT (Union International des Télécommunications) et le BIPM (Bureau International des Poids et Mesures) ne mettent pas fin entre temps à cet ajustement. Ce point sera discuté lors de la Conférence Mondiale des Radiocommunications qui aura lieu en 2023.

Figure 2 - Longueur du jour rapportée à 86400s depuis 1980 (crédit Observatoire de Paris/SYRTE : https://syrte.obspm.fr/~lambert/rotation/index.html#ind12

 

---

[1] Gross, Richard S. (2007): “3.09 Earth Rotation Variations – Long Period”. In: Treatise on Geophysics. Elsevier B.V., p. 239–294 (cf. p. 1, 18–21)