Saga CMR-23 : Point 1.13 - le service de recherche spatiale

CMR 29 mars 2023
Ce point répond à une demande des agences spatiales, notamment l’ESA européenne, la NASA (Etats-Unis) et ROSCOMOS (Russie). Le but est d’élever l’attribution du Service de recherche spatiale (SRS) dans la bande 14,8-15,35 GHz de secondaire à primaire.

Les particularités du SRS

Le SRS est un service de radiocommunication particulier regroupant plusieurs catégories :

  • Liaisons espace vers Terre pour la collecte d’informations et de données enregistrées par les sondes spatiales (Mars Explorer, Voyager, Curiosity, etc.) ou Terre vers espace (vers ces sondes), généralement à l’aide de stations aux dimensions impressionnantes. Lorsque ces liaisons se situent à une distance inférieure à 2 millions de kilomètres de la Terre, elles sont dites en « espace proche », et sinon en « espace lointain ».
  • Liaisons espace vers espace, généralement entre des satellites (GSO et NGSO) qui font le relais entre la station au sol et le satellite lorsque celui-ci n’est pas visible de la station.
  • Capteurs passifs ou actifs. Dans ce cas, le SRS s’apparente à l’EESS, si ce n’est que les surfaces observées (passivement ou activement) sont alors extraterrestres.

Dans le Règlement des Radiocommunications, la mention d’un service sans définition d’une sous-catégorie implique que l’utilisation de toutes les sous catégories est possible. C’est le cas de l’attribution secondaire existante.

Les besoins du SRS

Cette bande de fréquence 14,8-15,35 GHz est actuellement utilisée pour les applications suivantes :

  • Des liaisons descendantes directes de données des missions (utilisant différents types d'orbites) vers des stations terriennes situées dans le monde entier. Ces satellites sont généralement déployés en orbite terrestre basse, avec une inclinaison polaire ou équatoriale, certains étant en orbite géostationnaire et d'autres en orbite hautement elliptique ou aux points de Lagrange L1 ou L2, ainsi qu'en orbite lunaire ou à la surface de la Lune. Le débit de ces liaisons peut aller de 400 Mbit/s jusqu’à 1,2 Gbit/s.
  • Des liaisons de connexion Terre vers espace de systèmes à satellites relais de données. Les débits de ces liaisons peuvent aller jusqu’à 100 Mbit/s.
  • Des liaisons inter orbitales espace-espace d'engins spatiaux vers des satellites relais de données sur des orbites NGSO. Les débits de ces liaisons peuvent aller jusqu’à 300 Mbit/s.

Toutefois, à ce jour, l’attribution secondaire ne permet pas une protection efficace de ces liaisons vis-à-vis des autres services. Les agences spatiales souhaitent désormais pouvoir utiliser la bande pour des liaisons montantes ou descendantes, y compris pour des vols habités car cette gamme de fréquence permet des liaisons hauts débits avec des pertes de propagation encore acceptables. Ce nouveau type d’usage implique une protection vis-à-vis de l’existant ou d’éventuels nouveaux entrants dans la bande. Ainsi, la station spatiale internationale dispose déjà d’une antenne dans la bande 15 GHz.

Les travaux du groupe d’étude GT7B

La Résolution 661 cadre les travaux pour répondre à ce point de l’ordre du jour. Elle prévoit que l’élévation de statut du SRS ne devra pas contraindre les autres services dans la bande.  Comme l’attribution envisagée est globale (toutes les catégories du SRS), de très nombreuses études ont été nécessaires pour établir la compatibilité de chaque catégorie du SRS avec les autres services (mobile, y compris aéronautique, et fixe dans la bande, ainsi que radioastronomie en bande adjacente).  Voici leurs conclusions :

  1. Pour la descente (émission satellite, réception station terrienne)
    • L’application d’une limite de densité de puissance surfacique aux stations spatiales (à insérer dans l’Article RR No 21) protégerait la réception des services fixe et mobile (y compris mobile aéronautique) ;
    • Le service fixe pourrait brouiller la réception des stations SRS mais une coordination est possible ;
    • Le mobile aéronautique pourrait perturber la réception des stations terriennes et la coordination serait difficile ;
    • Les émissions hors-bande du SRS devront être limitées afin de protéger la radioastronomie.
  2. Pour la montée (émission station terrienne, réception satellite) :
    • Le mobile et le fixe pourraient perturber la réception des satellites.
  3. Pour les liens inter satellites :
    • Pas de perturbation du/par le service fixe ;
    • Pas de perturbation de/par le service mobile.

En se fondant sur ces études, des dispositions réglementaires ont été proposées par la France et ont rapidement fait l’objet d’accord au sein de la CEPT. Elles visent à ce que le SRS (montée ou descente) ne puisse pas demander de protection vis-à-vis du mobile aéronautique. Cette première proposition française faisait écho à un débat plus ancien impliquant les mêmes services dans une autre bande de fréquence (2 200-2 290 MHz). En effet, durant le cycle précédent, un incident était survenu en Australie (Camberra) lorsqu’un aéronef avait malencontreusement communiqué alors qu’il passait à proximité d’une station terrienne du réseau de DSN (Deep Space Network). Cette transmission avait abouti à la destruction du récepteur de la station terrienne ! Après cet incident, la NASA, qui exploite les stations du DSN, avait souhaité modifier les valeurs de distances de coordination existantes entre les deux services et définies dans l’Appendice 7. Les calculs de la NASA avaient abouti à un quasi doublement des distances, passant pour certaines stations de 500 à plus de 800 km.  Si Camberra parait loin de la France, Madrid (qui accueille des stations du réseau) reste en revanche beaucoup plus proche. La France avait alors tenté d’éviter ces modifications de distances afin de ne pas être contrainte à la coordination avec des stations situées à plus de 500 km de sa frontière. De plus, la probabilité qu’un aéronef croise le lobe principal d’une station du SRS reste faible et, si ce croisement devait avoir lieu, il ne pourrait se produire que sur des temps extrêmement courts et à une distance telle que les niveaux de brouillage resteraient faibles.

Par ailleurs, la France, suivie par la CEPT et un grand nombre de pays dont le Japon et la Corée, a proposé de limiter l’utilisation du SRS a des liaisons en espace proche car aucune étude n’a concerné des liaisons du SRS à des distances supérieures bien que les critères de protection du SRS en espace lointain soient beaucoup plus contraignants qu’en espace proche.  En outre, les propositions de la France et de la CEPT permettront de protéger les services fixe et mobile vis-à-vis des satellites SRS en imposant à ces derniers une limite de pfd au sol. D’autres Etats, notamment de l’Afrique du Nord ou de la CEPT, ont aussi demandé à ce que le SRS ne soit pas protégé vis-à-vis du service fixe. Enfin, les radioastronomes ont demandé à ce que leurs stations en bande adjacente dans la bande 15,35-15,4 GHz soient protégées à la fois vis-à-vis des satellites et des stations terriennes.

Dans ces discussions, les Etats-Unis se sont démarqués par une volonté de n’appliquer aucune contrainte au SRS (exceptée la limite de pfd de l’Article 21), ce qui découle du fait que ce service est déjà primaire sur son territoire, sans contrainte particulière vis-à-vis des autres services ni dans l’utilisation des différentes catégories de SRS. Cette réticence à accepter une attribution mondiale différente de celle dont ils disposent déjà est accentuée par le fait que le DSN, déployé sur trois continents et deux hémisphères, reste avant tout sous la tutelle de la NASA.