Les enquêtes de l’ANFR : l'attaque des robots, épilogue d’un mystérieux brouillage transfrontalier

Enquêtes de l’ANFR 17 décembre 2020

Dans le sud-ouest de l’Allemagne, au Bade Wurtemberg, un organisme en charge de la protection de l’environnement a récemment été victime d’un brouillage. C’est la fréquence 459,55 MHz, utilisée par un réseau de sondes installé le long du Rhin pour relever les niveaux de radioactivité, qui subissait une perturbation...

L’homologue allemand de l’ANFR s’est saisi du dossier et a rapidement suspecté une source de brouillage française. Une demande d’intervention a donc été transmise à l’ANFR, qui a chargé deux agents du service régional de Nancy pour mener l’enquête.

Les agents de l’ANFR ont d’abord dû circonscrire la zone de recherche et caractériser l’émission perturbatrice. Ils ont lancé plusieurs mesures depuis la station de radiogoniométrie de l’ANFR installée à Lutterbach (68). Cet équipement fait partie d’un réseau de goniomètres exploité par l’ANFR sur le territoire français. Ils permettent d’évaluer avec une grande précision la direction d’une émission en bandes UHF et VHF mais aussi de relever sa signature spectrale. Ces résultats de mesures ont été combinés avec ceux d’un goniomètre allemand situé à proximité de Strasbourg, sur le plus haut sommet de la Forêt Noire, le Hornisgrinde.

Le verdict tomba : la source de brouillage se trouvait au sud de Mulhouse (68).

Les agents de l’ANFR ont alors pu approfondir leur enquête dans la zone ainsi délimitée. C’est à bord de leur véhicule laboratoire qu’ils réalisèrent des mesures complémentaires. Puis la recherche se termina à pied avec un analyseur de spectre et une antenne directive qui les menèrent tout droit… sur le toit d’une université !

La source de brouillage était en fait une base RTK (real time kinematic) utilisée dans le cadre de travaux de recherche et développement d’un robot autonome. Elle utilisait la fréquence 459,55 MHz sans aucune autorisation… L’arrêt immédiat de l’émission non autorisée a permis la disparition des perturbations.

Une taxe de 450 € pour frais d’intervention a été adressée par l’ANFR au responsable du brouillage

L’ANFR lui a également indiqué le processus à suivre pour demander une autorisation d’utilisation de fréquence. Le propriétaire du robot et de la borne RTK n’était plus autorisé à mener son expérimentation tant qu’il n’aurait pas obtenu cette autorisation et l’ANFR ne tolèrerait aucune récidive du brouillage.

Bon à savoir

Que dit la loi concernant les fréquences en zone frontalière ?

En zone frontalière, les fréquences font l’objet d’un partage entre les pays. Après négociations, les fréquences sont classées comme préférentielles pour un pays donné. Dans le cadre de cette enquête, la fréquence 459,55 MHz était une fréquence préférentielle allemande. Si l’institut de recherche français avait fait une demande d’autorisation de fréquence dans cette bande, elle n’aurait pas abouti en raison de risques forts de brouillage, qui se sont d’ailleurs produit, et une autre fréquence lui aurait été proposée.

Qu’est-ce que le RTK ?

Plutôt que de se baser uniquement sur les systèmes de positionnement par satellite (GPS, Galileo…), le RTK (real time kinematic) aussi appelé GNSS Cinématique Temps Réel reçoit à la fois des signaux satellitaires reçus des constellations GNSS, et des signaux d’un autre module dont la position est connue avec une grande exactitude, appelé base. Cette méthode permet d’apporter une précision accrue de positionnement, de l’ordre du centimètre.

Elle s’impose comme une solution appropriée dans le cas de robots autonomes qui préfigurent ce que seront les véhicules autonomes de demain. Le RTK, utile pour le guidage autonome de différents types d’engins, est couramment utilisé dans le domaine de l’agriculture de précision.

NB : les systèmes de géolocalisation de type GPS différentiel ou de bases RTK nécessitent la programmation de fréquences dans la bande 444 - 449 MHz, dédiées aux communications mobiles professionnelles (PMR). L’utilisation de ces fréquences  est encadrée par le CPCE. Une autorisation individuelle d’utilisation de fréquences doit être sollicitée auprès de l’ARCEP par chaque utilisateur du système RTK. 

Rappel de la réglementation applicable : l’utilisation de fréquences sans autorisation constitue une infraction pénale dont la peine peut aller jusqu’à six mois d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende en application  des dispositions de l’article L. 39-1 du code des postes et communications électroniques (CPCE). De plus, toute personne qui utiliserait un réseau radioélectrique sans posséder l’autorisation administrative requise peut se voir notifier une taxe  d’un montant de 450 euros (Cf. article 45 II de la loi de finances pour 1987 modifiée) destinée à compenser les frais d'intervention de l'administration ayant procédé au constat du brouillage ou du risque de brouillage.


Relevé spectral  par l’ANFR de l’émission base RTK


Recherche avec une antenne directive et un récepteur par un agent de l’ANFR sur le toit de l’université              


Base RTK utilisant la fréquence 459.55 MHz