Blockchain pour le WiFi 6 GHz : un démonstrateur de gestion innovante de partage dynamique du spectre
Dans la perspective de l’ouverture de la bande 6 GHz (5 925 – 6 425 MHz) au WiFi, la préoccupation majeure est :
- d’une part de garantir la protection des services dont l’utilisation des fréquences est soumise à autorisation individuelle dans cette bande (faisceaux hertziens, services fixes par satellite, radioastronomie) et dans les bandes adjacentes (systèmes de transport routier intelligents, signalisation ferroviaire) ;
- et d’autre part d’assurer une grande facilité d’utilisation des fréquences disponibles pour les équipements WiFi, condition nécessaire dans le cadre d’une utilisation soumise à autorisation générale.
Cette problématique présente de nombreuses similarités avec celle de l’autogestion des fréquences utilisées lors de grands événements (Programme Making and Special Events ou PMSE) :
- des bandes partagées entre des fréquences soumises à autorisation individuelle et des fréquences libres,
- une gestion par plaque géographique de l’encombrement spectral,
- une multiplicité d’acteurs exigeant un cadre de confiance,
- un traitement en temps réel des demandes d’utilisation de fréquences.
Une blockchain des fréquences pour faciliter la gestion dynamique du spectre
Les questions soulevées apparaissent comme une occasion de mettre en œuvre des mécanismes innovants de partage dynamique du spectre. Dans ce contexte l’ANFR a souhaité évaluer la pertinence et l’apport d’une solution de type blockchain des fréquences. Elle permettrait de gérer la coordination automatique de l’accès des émetteurs WiFi (WAS/RLAN) aux ressources de la bande 6 GHz en présence de faisceaux hertziens (FH).
Les développements pilotés par l’ANFR et réalisés par la start-up Droon, éditeur de logiciel spécialisé dans les technologies blockchain, ont conduit à la livraison en octobre 2020 d’un premier démonstrateur.
Le fonctionnement
L’architecture de la solution repose sur un serveur d’application s’interfaçant, d’une part, avec une base de données géographique et, d’autre part, avec une blockchain. C’est une interface web qui permet, dans le cadre de cette preuve de concept (POC), de simuler la transmission des caractéristiques des émetteurs WiFi et la transaction d’utilisation par ces émetteurs des canaux disponibles. La base de données géographiques héberge les zones d’exclusion géolocalisées nécessaires à la protection des faisceaux hertziens au regard de la puissance du RLAN et de sa localisation (adresse ou coordonnées géographiques, hauteur, indoor/oudoor). Dans le cadre du démonstrateur, les zones d’exclusion ont été décrites à l’échelle du département de l’Hérault (34). Les informations de la base de données, dotée d’une fonction d’oracle, sont transférées et enregistrées sur la blockchain. Le prototype repose sur une blockchain privée Ethereum fonctionnant sur le principe de la preuve d’autorité, conformément aux exigences de sobriété énergétique du POC.
A chaque demande d’accès à la bande par un RLAN, le serveur vérifie, via la blockchain, le recouvrement éventuel de l’emprise circulaire du RLAN avec les zones d’exclusion de FH et renvoie les plages de fréquences indisponibles. Le RLAN peut ainsi retourner son canal d’émission qui est enregistré dans la blockchain et confirmé au demandeur, par une notification d’accord.
Ce démonstrateur permet de conjuguer l’utilisation d’une base de données géographiques et l’exploitation des atouts de la technologie blockchain au bénéfice du partage de la bande :
- traçabilité des demandes et des notifications d’accord ou de refus d’utilisation de canal,
- transparence et auditabilité de la base de données géographique de référence,
- distribution de l’architecture de contrôle et de validation des demandes.
Les conditions
L’harmonisation européenne ne devrait ni prévoir un système de gestion des demandes de ressource par les RLAN dont la puissance est inférieure à 200 mW, ni d’autres conditions techniques permettant d’assurer la protection des utilisations du spectre dans la bande ou en bande adjacente. La démonstration de la faisabilité et de la simplicité d’un tel système utilisant la technologie blockchain n’en reste pas moins généralisable à la gestion de RLAN dont la puissance serait supérieure à 200 mW, autorisés aux Etats-Unis et qui pourraient faire l’objet d’une mesure d’harmonisation européenne ultérieure, ou à un mode de partage similaire dans une autre bande.
C’est une nouvelle étape dans l’exploration de solutions innovantes au profit d’un partage efficace du spectre radioélectrique.